A LA UNEMONDE

L’Allemagne met le régime algérien à l’épreuve : la libération de Boualem Sansal en échange de la poursuite des soins de Tebboune

ALDAR/

Par Imane Alaoui

Selon des révélations de plusieurs médias allemands, le président fédéral Frank-Walter Steinmeier aurait conditionné la poursuite du traitement médical du président algérien Abdelmadjid Tebboune en Allemagne à la libération de l’écrivain et romancier Boualem Sansal, détenu depuis la fin de l’année 2024.

Une décision perçue dans les milieux politiques européens comme un signal fort de Berlin, traduisant la volonté de redéfinir ses relations avec un régime souvent accusé par l’Occident d’étouffer les libertés et de réprimer les intellectuels et les voix critiques.

Boualem Sansal, connu pour ses écrits audacieux et ses positions sans concession à l’égard du pouvoir, avait été arrêté après des déclarations dans lesquelles il évoquait les relations maroco-algériennes et la question des frontières entre les deux pays. Ces propos ont été interprétés par Alger comme une atteinte à « l’unité du territoire national ». En mars 2025, la justice algérienne l’a condamné à cinq ans de prison, malgré son âge avancé et une santé fragile. Cette affaire a suscité une vive inquiétude dans les milieux culturels et des droits humains en Europe, notamment en Allemagne, qui lui avait décerné en 2011 le prestigieux Prix de la Paix des libraires allemands pour son engagement en faveur de la liberté d’expression.

Dans un message officiel, le président Steinmeier a appelé à un « geste humanitaire », invitant Alger à accorder la grâce à l’écrivain ou à lui permettre de se soigner en Allemagne. Il a rappelé que les relations entre États ne sauraient se limiter à des considérations économiques ou énergétiques, mais doivent reposer sur le respect des valeurs démocratiques et de la liberté de pensée.

Cette position place le gouvernement algérien dans une situation délicate. Les autorités ont réaffirmé que leurs lois ne permettent pas la grâce pour les condamnés dans des affaires liées à « l’unité nationale », une justification que nombre d’observateurs interprètent comme le signe d’une absence de volonté politique de réforme.

Des analystes estiment que l’initiative allemande s’inscrit dans un contexte plus large marqué par une montée des critiques européennes concernant le bilan des droits de l’homme en Algérie, alors que celle-ci cherche à renforcer son influence économique et énergétique sur le continent. Berlin, partenaire majeur d’Alger dans le secteur énergétique, semble cette fois avoir choisi le ton de la fermeté plutôt que celui de la diplomatie conciliante, envoyant un message clair : la coopération ne saurait être inconditionnelle tant que perdure la répression interne.

Pour plusieurs experts, l’Allemagne cherche à évaluer la capacité du régime Tebboune à faire preuve d’ouverture, même symbolique, sur les questions de libertés publiques. La réponse d’Alger à cette requête pourrait déterminer l’avenir des relations bilatérales : un geste d’apaisement serait perçu comme un signe d’ouverture vers l’Europe, tandis qu’un refus accentuerait l’image d’un régime isolé et fermé sur lui-même.

Ainsi, l’affaire Boualem Sansal dépasse désormais le cadre littéraire pour devenir un symbole de l’affrontement entre autoritarisme d’État et valeurs humanistes défendues par les démocraties occidentales. L’Allemagne semble avoir choisi d’adresser à Alger un message clair : celui d’une diplomatie ferme, adossée à des principes moraux, où la compassion et la pression politique se conjuguent pour défendre la liberté de penser.

Le dossier Sansal devient dès lors un test moral et politique pour le régime Tebboune, et un baromètre de la patience européenne face à un pouvoir qui continue de craindre le poids des mots libres.

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