A LA UNEECONOMIE

Le dirham marocain entre ambition et ouverture monétaire… Vers le statut de “devise forte” ?

ALDAR/ Imane Alaoui

Ces dernières années, le dirham marocain est revenu au centre du débat économique, porté par des réformes progressives du régime de change et par un intérêt croissant de l’étranger pour l’économie marocaine. Mais la question essentielle demeure : le dirham est-il en passe de devenir une devise forte, librement échangeable sur les marchés mondiaux ?

Les données officielles publiées par Bank Al-Maghrib indiquent que la monnaie nationale reste classée parmi les « devises non totalement convertibles », autrement dit les devises fermées, qui ne sont pas librement négociées à l’étranger et ne figurent pas largement sur les marchés internationaux des changes. Concrètement, l’achat ou la vente du dirham hors du Maroc demeure très limité, passant souvent par un réseau restreint de bureaux de change dans certains pays accueillant d’importantes communautés marocaines, comme la France, l’Espagne ou la Belgique, mais rarement via les grandes banques mondiales ou les plateformes financières ouvertes.

Le cadre juridique encadrant la monnaie impose un plafond strict à la sortie de dirhams hors du territoire : les voyageurs ne peuvent emporter plus de 2 000 dirhams à leur départ, tandis que tout transfert de monnaie vers l’étranger est soumis à un contrôle rigoureux via les circuits bancaires agréés. L’objectif de cette politique, selon les explications de la banque centrale, est de protéger les réserves marocaines en devises étrangères et de garantir la stabilité du taux de change.

Malgré ces restrictions, le Maroc a adopté en 2018 une réforme importante, élargissant la bande de fluctuation du dirham de ± 0,3 % à ± 5 %, et l’arrimant à un panier de devises composé à 60 % de l’euro et à 40 % du dollar américain. Selon les rapports du Fonds monétaire international, cet ajustement a permis de conférer au dirham une plus grande souplesse face aux chocs externes, notamment lors des périodes de volatilité des prix mondiaux de l’énergie et des denrées alimentaires.

Par ailleurs, le système bancaire marocain a autorisé la création de comptes en dirhams convertibles, un mécanisme permettant à leurs détenteurs d’effectuer des opérations en devises étrangères avec une relative liberté, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, en particulier pour les investisseurs et les exportateurs. Cette mesure a constitué un pas supplémentaire vers l’ouverture monétaire, sans compromettre la sécurité des réserves nationales.

Ces réformes s’inscrivent dans une vision plus large visant à renforcer la position du Maroc comme hub financier et commercial régional, en tirant parti de son réseau d’accords de libre-échange avec l’Union européenne, les États-Unis, ainsi que plusieurs pays africains et arabes. Cependant, l’accession au statut de « devise forte » au sens plein requiert des indicateurs plus robustes en matière de croissance des exportations, d’équilibre de la balance commerciale et d’augmentation des réserves officielles de devises, estimées à environ 36 milliards de dollars fin 2024 selon Bank Al-Maghrib – un niveau confortable mais insuffisant pour une ouverture totale de la monnaie sur les marchés mondiaux.

Dans ce contexte, le Maroc semble privilégier une stratégie de « libéralisation graduelle et maîtrisée » de sa monnaie, préférant maintenir la stabilité monétaire et financière plutôt que de s’exposer à une ouverture incontrôlée susceptible de le rendre vulnérable aux aléas des marchés internationaux. Si les réformes se poursuivent, le dirham pourrait franchir de nouvelles étapes vers la convertibilité internationale, mais cela restera conditionné par la capacité de l’économie nationale à soutenir sa monnaie par la force de la production et des exportations, et non par de simples décisions administratives.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page