L’usage du cannabis à des fins médicales et industrielles n’est plus prohibé dans plusieurs pays du monde, puisqu’il offre des perspectives prometteuses de développement tant sur le plan social qu’économique, tout en instaurant les bases d’une pratique respectueuse des normes d’une agriculture durable.
Ainsi, des réunions ont été tenues au siège du Parlement et des débats parallèles ont eu lieu à plusieurs niveaux dans l’objectif de mettre en lumière les multiples avantages de l’usage légal de cette plante.
C’est dans cette perspective que le ministre de l’Intérieur, M. Abdelouafi Laftit, avait annoncé que des études scientifiques ont déjà été réalisées par le ministère, lesquelles seraient présentées incessamment.
Chose promise, chose due. Mardi, la Commission de l’Intérieur, des collectivités territoriales, de l’habitat et de la politique de la ville à la Chambre des représentants a suivi une présentation d’études exhaustives portant essentiellement sur la faisabilité du projet, son potentiel socio-économique et environnemental, ainsi que sur les atouts et les défis que le Maroc se doit de relever pour réussir ce chantier de grande envergure.
Dans ce sens, le président de la Commission, M. Hicham El Mhajri a indiqué que cette rencontre d’étude « très importante » a mis en avant les perspectives de ce projet de loi, ses impacts sur la population de la région concernée, ainsi que les prévisions relatives aux chiffres d’affaires.
Lors de cette réunion, les parlementaires ont pris connaissance de toutes les dimensions du projet, a-t-il déclaré à la MAP, expliquant que le projet de loi sur l’usage licite du cannabis n’aborde pas ce qui est récréatif.
« Il s’agit d’une loi qui régira les usages licites d’une plante dans des domaines bien particuliers », a-t-il précisé.
De son côté, Mustapha Ibrahimi, président du groupe parlementaire du Parti de la Justice et du développement (PJD), a fait savoir que ces études se sont attardées sur plusieurs dimensions relatives à ce projet de loi.
« En cas de légalisation », a-t-il dit, le document présentera les moyens de développer l’usage licite du cannabis et de traiter les aspects médical et industriel.
Ainsi, ces études ont présenté d’emblée un état des lieux de la culture du cannabis dans le Royaume, proposant un ensemble d’informations, chiffres et statistiques à l’appui, d’où il ressort de prime abord un certain déséquilibre d’ordre général.
Partant de la baisse de la superficie cultivée de 130.000 à moins de 50.000 Ha en l’espace de 20 ans pour arriver aux grandes « inégalités » en termes de revenus au profit des agriculteurs, la culture du cannabis dans son état actuel est « menacée de ruine à court terme ». Sa légalisation dans plusieurs pays d’Europe et prochainement d’Afrique ne fait que conforter cette probabilité.
« Destructeur » de l’environnement, d’autant qu’il ouvre grand la porte aux disparités sociales, l’usage illicite du cannabis constitue ainsi un champ propice à la pauvreté et à la marginalisation des agriculteurs. Ces derniers sont exploités économiquement par les trafiquants, se trouvant contraints de vivre en cachette et dans l’incapacité de participer pleinement à la vie sociale.
En revanche, l’usage médical du cannabis pourrait générer un revenu annuel net qui avoisine les 110.000 dirhams par hectare, indiquent les mêmes études, notant que ce montant représente une amélioration d’environ 40% par rapport aux recettes actuelles, le tout dans le cadre de pratiques respectant les normes de l’agriculture durable.
Concernant les marchés d’exportation, le document met l’accent sur les perspectives en direction de l’Europe à l’horizon de 2028, selon deux hypothèses. La première cible 10 % du marché du cannabis médical (4,2 milliards de dollars sur un total de 42), alors que la seconde hypothèse concerne 15% du marché, soit 6,3 milliards de dollars et des revenus agricoles de 630 millions de dollars.
En outre, il ressort de ces études que le marché européen sera ciblé en premier lieu, notamment en raison des facilités d’accès et compte tenu de facteurs liés aux prévisions d’évolution de la consommation et du volume des importations.
Côté législation, les marchés prioritaires pour le cannabis médical marocain sont l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Allemagne, avec des prévisions de 25 milliards de dollars/an à l’horizon 2028. Les mêmes études relèvent que la prise en compte du potentiel des marchés français et italien renforcera le volume du marché potentiel de 17 milliards de dollars, pour atteindre 42 milliards.
L’usage médical de cette plante permettrait de réduire un ensemble de risques liés à la contrebande et à la consommation de drogue, ainsi que ceux en lien avec la santé et l’environnement. Sur le plan économique, le développement de cette chaîne de production permettra au Royaume de passer du statut de pays importateur à celui d’exportateur de produits médicaux, pharmaceutiques et industriels.
Les études ont également mis en avant les différents atouts dont regorge le Royaume: les conditions naturelles et climatiques favorables, la proximité du marché européen, l’offre logistique (ports, aéroports etc.) et l’attractivité pour les investissements étrangers, sans pour autant négliger le savoir-faire, grand legs des paysans traditionnels.
Toutefois, le document fait savoir que le démarrage de ce chantier ne bénéficiera pas d’emblée à tous les agriculteurs, puisque sa mise en oeuvre se fera selon une approche progressive, mettant en avant l’impératif d’appuyer les cultures de substitution et les activités légales génératrices de revenus, en attendant que le marché puisse absorber la totalité de la production.