
ALDAR / Meryem Hafiani
Le Mali connaît ces jours-ci une nouvelle tempête politique et sécuritaire après une vague d’arrestations massives au sein de l’armée, touchant près de cinquante militaires, dont des officiers de haut rang au grade de général, dans une affaire qualifiée en coulisses de tentative de coup d’État à part entière. Au cœur de ces développements émergent deux noms marquants : le général Abbas Dembélé, ancien gouverneur de la région de Mopti, et la générale Néma Sagara, l’une des figures féminines les plus éminentes de l’institution militaire malienne.
Les arrestations se sont déroulées discrètement mais dans des lieux hautement sensibles, notamment le camp de Kati, au nord de Bamako, la plus grande base militaire du pays, dans un silence officiel qui suscite encore plus d’interrogations. Bien que les autorités restent très réservées sur les détails, la presse locale n’a pas hésité à évoquer un soutien extérieur à ce réseau, laissant entendre — de manière à peine voilée — une implication de l’Algérie, souvent accusée d’héberger des chefs de groupes armés et de tolérer des mouvements suspects le long de la frontière commune.
Ces soupçons ne sont pas nouveaux : les relations entre Bamako et Alger sont entrées, depuis plusieurs mois, dans une spirale de vives tensions, atteignant leur paroxysme en mars 2025 lorsque l’armée algérienne a abattu un drone appartenant aux forces maliennes, un incident considéré par le Mali comme un acte provocateur et une agression directe contre sa souveraineté. Depuis cet événement, le langage diplomatique feutré a cédé la place à une guerre froide ouverte, accompagnée de mesures de rétorsion et de fermetures réciproques des espaces aériens.
L’Algérie, qui tente depuis des années de se présenter comme médiatrice de paix dans les crises du Sahel, apparaît aujourd’hui, aux yeux d’une large partie de l’opinion publique malienne, comme un « ingénieur du chaos » œuvrant en coulisses pour attiser les conflits, dans le but de préserver son influence régionale et de perturber les alliances de ses adversaires. Si l’Accord de paix d’Alger, signé en 2015, a effectivement volé en éclats l’année dernière, les événements actuels confirment que son rôle n’est plus perçu comme fiable, mais plutôt comme sujet à soupçons et accusations récurrentes.
Le Mali, qui affronte depuis plus d’une décennie la menace des groupes terroristes et des factions armées affiliées à Al-Qaïda et à Daech, se retrouve aujourd’hui face à un nouveau défi interne qui complique encore davantage la situation : une lutte de pouvoir qui se croise avec des ingérences régionales aux agendas troubles. Et avec la multiplication des indices pointant vers une implication extérieure, Bamako semble désormais considérer l’Algérie non plus comme un partenaire potentiel de stabilité, mais comme un facteur de déstabilisation sapant la sécurité de l’ensemble du Sahel.
À la lumière de ces évolutions, une seule question domine la scène malienne : l’Algérie est-elle encore crédible pour parler au nom de la paix, ou bien son véritable visage commence-t-il à apparaître, celui d’une puissance prête à allumer des incendies politiques et sécuritaires chaque fois que cela sert ses intérêts ?