
Par Meryem Hafiani
La visite de l’ambassadrice du Kenya au Maroc, accompagnée d’une importante délégation économique à Laâyoune, s’inscrit dans une dynamique diplomatique africaine nouvelle, marquée par une reconfiguration progressive des alliances autour d’intérêts économiques stratégiques.
Au cours de cette visite, la délégation kenyane a pu découvrir l’expérience du Centre Régional d’Investissement de Laâyoune-Sakia El Hamra. Les membres du groupe ont exprimé leur profond intérêt pour les infrastructures modernes de la région, ainsi que pour les projets majeurs déjà réalisés dans le sud du Maroc. Selon plusieurs membres de la délégation, les transformations observées placent la région comme un futur pôle d’attraction pour les investissements africains.
Loin d’être symbolique, ce déplacement constitue un signal clair d’un virage diplomatique entre Rabat et Nairobi. Au cours des derniers mois, les deux pays ont renforcé leur coopération à travers une série d’accords portant sur l’habitat, le développement urbain, la jeunesse, l’échange d’expertise, ainsi que des discussions avancées sur les secteurs du transport et des infrastructures portuaires. Parmi les projets évoqués figure notamment l’interconnexion stratégique entre le port kenyan de Mombasa et le complexe Tanger Med, considéré comme l’une des plus grandes plateformes logistiques du continent. Des projets communs en formation maritime et dans l’aviation civile sont également en cours de structuration, confirmant l’émergence d’un axe économique Est–Ouest entre les deux rives du continent.
Sur le plan économique, cette ouverture apparaît comme une opportunité mutuelle. Le Kenya ambitionne d’accéder davantage au marché marocain, notamment pour ses exportations agricoles telles que le thé, le café et les produits frais. Le Maroc, quant à lui, voit dans le marché kenyan une destination à fort potentiel pour ses produits stratégiques, notamment les engrais, au cœur de la sécurité alimentaire africaine. Les énergies renouvelables, domaine d’expertise croissante des deux pays, constituent également un terrain propice à un partenariat durable.
En toile de fond, cette évolution s’accompagne aussi d’un changement politique significatif. Nairobi a récemment exprimé son soutien au plan marocain d’autonomie au Sahara, un positionnement diplomatique confirmé de manière symbolique et pratique par cette visite à Laâyoune. Ce geste illustre un réalignement progressif des positions africaines autour d’approches plus pragmatiques, au détriment des logiques idéologiques qui ont longtemps pesé sur la question.
Cette visite pourrait ainsi marquer le début d’un cycle d’investissements bilatéraux plus structurés, notamment dans les secteurs de la logistique, de l’agro-industrie saharienne, des énergies renouvelables et du tourisme. La prochaine étape consistera à traduire ces déclarations d’intention en programmes opérationnels concrets, avec un suivi institutionnel et industriel capable de produire des résultats mesurables.
Alors que la délégation poursuit ses travaux, le constat s’impose : les relations maroco-kenyanes entrent dans une phase nouvelle, façonnée par les intérêts économiques, la coopération stratégique et une vision africaine tournée vers la souveraineté commerciale et technologique. Dans un continent où les cartes géopolitiques sont en pleine redéfinition, Rabat et Nairobi semblent désormais avancer sur une trajectoire convergente fondée sur la modernisation, l’investissement et le partage d’expertise.




