
ALDAR/ Meryem Hafiani
En Algérie, tous les regards se tournent vers le vendredi 3 octobre 2025. Ce jour-là, le Collectif GenZ213, regroupant de jeunes militants, appelle la population à redescendre dans la rue, dans ce que beaucoup perçoivent comme une tentative de raviver l’esprit du Hirak de 2019, mouvement qui avait ébranlé le pays et fait échouer le projet d’un cinquième mandat présidentiel. Cette mobilisation s’annonce plus audacieuse, avec des slogans tels que « le Hirak deviendra ton Hirak », et un objectif clair : marcher vers El-Mouradia pour « chasser la bande », expression désignant les figures de l’actuel pouvoir. Selon ces jeunes, ce que les générations précédentes n’ont pas pu accomplir doit désormais être pris en main par eux, se considérant comme une force réelle de changement face à l’impasse politique et économique actuelle.
Les indicateurs économiques et sociaux renforcent la probabilité d’une escalade de ce mouvement. Les derniers rapports de la Banque mondiale indiquent un taux de chômage des jeunes dépassant 30 % dans un pays largement dépendant des recettes pétrolières et gazières. Les projets de diversification économique stagnent et les réformes promises restent limitées dans leur impact. Face à cette situation, de nombreux experts alertent sur le risque d’une vague de colère sociale difficilement maîtrisable par les méthodes traditionnelles.
Le rôle du numérique est également prépondérant. La Génération Z, majoritaire dans la population algérienne, utilise intensivement les réseaux sociaux pour organiser, mobiliser et développer un discours politique alternatif. Plus de 70 % des jeunes utilisent quotidiennement des plateformes comme Facebook, Instagram ou TikTok, leur offrant une capacité inédite à diffuser leurs messages tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Cette nouvelle donne représente un défi inédit pour le pouvoir, différent de celui rencontré lors du Hirak de 2019.
Il est également remarquable que les revendications ne se limitent pas aux questions internes. Le collectif établit un lien entre la liberté de l’Algérie et celle de la Palestine, rappelant la dimension nationaliste qui a caractérisé le discours algérien depuis l’indépendance. Les jeunes affichent ainsi leur volonté de combiner réforme interne et engagement pour les causes régionales, répondant ainsi aux critiques les accusant de ne s’intéresser qu’aux revendications sociales.
L’Algérie se trouve aujourd’hui à un carrefour : soit les autorités saisissent les signaux de la rue et ouvrent la voie à des réformes politiques et économiques plus profondes, rétablissant la confiance de la jeunesse, soit elles feront face à une nouvelle vague de contestation, potentiellement plus organisée et résiliente grâce à la dynamique numérique et à la détermination d’une génération qui refuse désormais de rester dans l’attente.