A LA UNEMONDE

Un ex-ministre algérien mis en accusation par la justice suisse

La justice suisse a annoncé mardi la mise en accusation de l’ex-ministre algérien de la Défense Khaled Nezzar pour crimes contre l’humanité, soupçonné d’avoir approuvé et coordonné des tortures durant la guerre civile dans les années 1990.

Dans un communiqué, le Ministère public de la Confédération (MPC, procureur général) fait valoir que Khaled Nezzar « en tant que personne influente en Algérie en sa qualité de ministre de la Défense et membre du Haut comité d’État a placé des personnes de confiance à des positions clés et créé sciemment et délibérément des structures visant à exterminer l’opposition islamiste ».

« S’en sont suivis des crimes de guerre et une persécution généralisée et systématique des civils accusés de sympathiser avec les opposants », indique le MPC.

M. Nezzar, âgé aujourd’hui de 85 ans, avait été interpellé à Genève en octobre 2011 – alors qu’il résidait en Suisse – à la suite d’une plainte déposée par TRIAL International, ONG suisse qui lutte contre l’impunité des crimes de guerre. Relâché à la fin des auditions, il avait quitté la Suisse.

En 2017, le procureur général avait classé la procédure au motif que la guerre civile algérienne ne constituait pas un « conflit armé interne » et que la Suisse, en conséquence, n’était pas compétente pour juger d’éventuels crimes de guerre dans ce cadre.

Sur recours, le Tribunal pénal fédéral avait toutefois indiqué en 2018 que les affrontements avaient présenté une telle intensité de violence qu’ils s’apparentaient à la notion de conflit armé telle que définie par les Conventions de Genève et la jurisprudence internationale, obligeant le MPC à reprendre la procédure.

Après audition de 24 personnes au total, le procureur général a déposé l’acte d’accusation le 28 août, renvoyant M. Nezzar devant le Tribunal pénal fédéral « pour infractions au droit international humanitaire au sens des Conventions de Genève entre 1992 et 1994 dans le cadre de la guerre civile en Algérie et pour crimes contre l’humanité ».

Il est soupçonné « d’avoir pour le moins approuvé, coordonné et encouragé, sciemment et délibérément, des tortures et autres actes cruels, inhumains ou humiliants, des violations de l’intégrité physique et psychique, des détentions et condamnations arbitraires ainsi que des exécutions extrajudiciaires ».

Le MPC a notamment documenté onze états de fait, survenus entre 1992 et 1994. La guerre civile, qui a traumatisé durablement l’Algérie, a fait officiellement 200.000 morts dont de nombreux civils.

« Après presque douze ans d’une procédure tumultueuse, l’annonce d’un procès fait renaître l’espoir pour les victimes de la guerre civile algérienne (1991-2002) d’obtenir enfin justice. M. Nezzar sera le plus haut responsable militaire jamais jugé au monde pour de tels crimes sur le fondement de la compétence universelle », a réagi mardi TRIAL.

L’organisation plaide pour une ouverture du procès à bref délai, assurant que l’ancien ministre serait « mourant ».

« Il ne serait pas concevable pour les victimes que leur droit d’obtenir justice leur soit maintenant nié », explique Benoit Meystre, conseiller juridique chez TRIAL International, dans un communiqué.

Cité dans ce communiqué, Abdelwahab Boukezouha, l’une des cinq parties plaignantes, explique : « je ne me bats pas seulement pour moi, mais pour toutes les victimes de la décennie noire de même que pour les plus jeunes et les générations futures ».

A Alger, le Collectif des familles de disparus (CFDA) s’est félicité d’une « victoire juridique historique » et a annoncé un rassemblement mercredi à Alger « à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparitions forcées ».

« Après des années de recherche et de combat pour que ce cas (Nezzar) soit traduit en justice, le CFDA félicite l’association TRIAL International et reconnaît l’extraordinaire investissement des parties plaignantes depuis près de vingt-trois ans », a ajouté le Collectif.

Selon TRIAL, une victime a dernièrement retiré sa plainte à la suite de pressions, une autre a été classée en 2023 du fait que la victime, vivant en Algérie, n’était plus joignable, et une troisième victime est décédée récemment.

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