
ALDAR/ Meryem Hafiani
Le ministre marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, et son homologue chinois Wang Yi, ont signé ce vendredi à Pékin un mémorandum d’entente instaurant un mécanisme institutionnalisé de dialogue stratégique entre les deux pays.
Loin de se réduire à un simple geste protocolaire, cette initiative marque un tournant décisif dans le parcours des relations bilatérales. Elle vise à restructurer et renforcer un dialogue de haut niveau engagé depuis plusieurs années, fondé sur la confiance, le respect mutuel et la convergence des intérêts. Ce nouvel accord s’inscrit dans le prolongement de la déclaration conjointe sur le partenariat stratégique signée le 11 mai 2016 à Pékin par le roi Mohammed VI et le président Xi Jinping, qui avait ouvert la voie à un approfondissement de la coopération économique, politique et culturelle.
Selon plusieurs observateurs, cette avancée intervient dans un contexte international marqué par de profondes turbulences géopolitiques et économiques. Le Maroc cherche à diversifier ses alliances majeures et à s’ouvrir davantage aux puissances émergentes. La Chine, deuxième économie mondiale, représente dans cette perspective un partenaire stratégique de premier plan, notamment dans le cadre de l’Initiative “la Ceinture et la Route”, à laquelle Rabat a adhéré en 2017. Cet engagement a accéléré le flux des investissements chinois dans des secteurs clés au Maroc, tels que les énergies renouvelables, l’industrie, les infrastructures et les technologies de pointe.
Sur le plan politique, le dialogue stratégique offrira aux diplomaties marocaine et chinoise une plateforme de concertation renforcée sur les grandes questions régionales et internationales, en particulier en Afrique et au Moyen-Orient, où les deux pays partagent une vision favorable à la stabilité et au développement. Cette nouvelle dynamique illustre une conviction commune : la coopération bilatérale n’est plus une option, mais une nécessité face aux défis mondiaux, qu’il s’agisse du changement climatique, de la sécurité énergétique ou de la gestion des crises économiques.
Bien que les relations entre Rabat et Pékin aient déjà connu une croissance notable au cours de la dernière décennie, ce mécanisme leur confère désormais un cadre plus solide et durable. Il inaugure une nouvelle étape du partenariat, axée sur des intérêts partagés, la consolidation de la confiance politique et l’intensification des échanges économiques et culturels.
Si les relations du Maroc avec l’Union européenne et les États-Unis restent traditionnelles, centrées essentiellement sur le commerce et la coopération sécuritaire, celles avec la Chine se distinguent par une approche différente, bâtie sur une vision globale de développement et d’investissement. En 2024, les échanges commerciaux entre Rabat et Pékin ont atteint près de 9 milliards de dollars, dont 1,3 milliard d’exportations marocaines vers la Chine, un record inédit. À titre comparatif, le commerce entre le Maroc et l’Union européenne a culminé la même année à environ 60 milliards d’euros, représentant la moitié des importations et plus des deux tiers des exportations marocaines. Avec les États-Unis, les échanges ont avoisiné 9,2 milliards de dollars, tout en générant un excédent commercial net pour Washington. Les États-Unis se sont d’ailleurs imposés, en 2022, comme premier investisseur étranger au Maroc, avec près de 7,4 milliards de dirhams d’investissements directs.
Ces chiffres révèlent sans équivoque la prééminence de l’Union européenne comme partenaire économique du Royaume. Cependant, la Chine et les États-Unis s’imposent de plus en plus comme des partenaires stratégiques dans la politique de diversification de Rabat : Pékin par ses projets structurants et ses investissements dans l’énergie et l’industrie, Washington par ses capitaux dans des secteurs stratégiques tels que la technologie et l’aéronautique. Cette diversification confère au Maroc une position de négociation renforcée dans un environnement international mouvant, et accroît son autonomie décisionnelle vis-à-vis de ses partenaires traditionnels.
Avec la signature de ce mémorandum, le Maroc et la Chine franchissent une nouvelle étape vers un partenariat dense et multidimensionnel. Un partenariat qui fait de Rabat un pont pour Pékin vers l’Afrique et le monde arabe, et de la Chine un allié essentiel pour accompagner le Maroc dans la réalisation de ses ambitions de développement.