
ALDAR / Analyse
Depuis son lancement il y a plus de vingt ans, le Festival Gnaoua et Musiques du Monde à Essaouira est devenu un rendez-vous culturel exceptionnel, sur lequel on mise pour mettre en valeur la richesse du patrimoine marocain et ouvrir des passerelles de dialogue avec les cultures du monde. Cependant, l’édition 2025 a une nouvelle fois révélé des défis chroniques et des failles organisationnelles suscitant de nombreuses interrogations, malgré l’élan symbolique et artistique que porte cet événement annuel.
Bien que certains aspects techniques se soient améliorés cette année, les visiteurs et participants ont formulé de vives critiques concernant la faiblesse de l’organisation, notamment en ce qui concerne la gestion des espaces, le manque de fluidité dans la circulation du public, sans oublier la difficulté d’accès à certaines scènes à cause de l’absence de signalisation claire et de plans de sécurité flexibles.
Le manque d’infrastructures de base, telles que les toilettes et les points de repos, a aussi constitué un point noir qui a suscité le mécontentement de nombreux participants, particulièrement aux heures de pointe, où certains espaces ont connu des situations de chaos et de désordre, ce qui diminue la qualité de l’expérience artistique offerte par le festival.
Si le festival a su préserver sa dimension internationale en accueillant des groupes gnaouas venus d’Afrique, d’Europe et d’Amérique, l’édition 2025 s’est toutefois caractérisée par un net recul de la présence de certains artistes marocains réputés, ainsi qu’une marginalisation de plusieurs troupes locales qui ont pourtant contribué à la renommée du Gnaoua au fil des années.
Certains attribuent ce recul à l’absence d’une vision claire de la part du comité d’organisation quant au principe d’équilibre entre ouverture internationale et valorisation locale, tandis que d’autres estiment qu’il reflète une faiblesse dans les mécanismes de gestion de la base de données des artistes marocains et une certaine opacité des critères de sélection.
Malgré les assurances de la direction du festival quant à son engagement à soutenir les jeunes artistes et à organiser des ateliers artistiques ouverts, plusieurs promesses n’ont pas été concrétisées sur le terrain. Plusieurs ateliers ont été annulés sans préavis, et la promesse d’ouvrir les espaces adjacents à la vieille ville pour accueillir des spectacles gratuits, ce qui aurait pu alléger la pression sur les scènes principales, n’a pas été tenue.
La communication des organisateurs avec la presse locale a également fait défaut, puisque peu de communiqués de presse ont été diffusés et que peu d’opportunités ont été accordées pour des couvertures sur le terrain, contribuant ainsi à une baisse de l’engagement du public par rapport aux éditions précédentes.
Bien que le Festival Gnaoua soit classé parmi les grandes manifestations culturelles bénéficiant d’un soutien officiel et semi-officiel, le budget général de l’édition demeure enveloppé de mystère, tout comme le montant réel des contributions des sponsors privés.
En l’absence d’un rapport financier transparent et détaillé, les observateurs s’interrogent sur les modalités de dépenses des crédits, ainsi que sur le degré d’équilibre entre le coût artistique du festival et les résultats effectifs en matière de promotion culturelle et touristique, d’autant plus dans un contexte de soutien par des institutions publiques et de grandes entreprises.
L’édition 2025, malgré ses moments musicaux mémorables, remet en lumière un débat profond sur l’avenir du Festival Gnaoua d’Essaouira. Entre l’ambition de rayonnement culturel et les réalités des failles organisationnelles, il devient urgent de repenser la structure administrative du festival, ainsi que ses mécanismes de gestion financière et artistique, afin d’assurer sa pérennité en tant que véritable levier culturel et non simple manifestation saisonnière.