A LA UNEMONDE

Diplomatie d’humain à humain : des agriculteurs de l’Iowa voient dans les relations directes un pont pour relancer le commerce entre la Chine et les États-Unis

ALDAR/

Au cœur de l’État de l’Iowa, aux abords de la petite ville d’Atlantic, l’agriculteur Bill Billett se tient au milieu de ses terres, contemplant les noyers qu’il a plantés il y a deux ans pour ses petits-enfants — non pas dans un but lucratif, mais comme un symbole de durabilité et d’héritage.
« Je voulais leur laisser quelque chose qui dure, quelque chose qui leur rappelle l’importance de prendre soin de la terre, car elle est irremplaçable », confie Billett sur un ton empreint de réflexion.

Mais derrière ce tableau paisible se cache un combat économique incessant. Le destin de cette ferme, comme celui de nombreuses autres, est étroitement lié au commerce mondial, et plus précisément à la relation complexe entre les États-Unis et la Chine.
« La Chine a été un partenaire formidable pour nous », explique Billett. « Nous leur avons vendu du soja, de la viande, des céréales… Je suis allé là-bas, j’ai rencontré les consommateurs. Et quand on parle face à face avec les gens, on réalise à quel point nous sommes semblables. »

Cette relation a cependant été mise à rude épreuve, notamment après l’imposition d’une nouvelle vague de droits de douane en avril dernier, ravivant les tensions commerciales entre les deux pays.
Kyle, le petit-fils de Bill, âgé de 24 ans, a vu les effets de ces politiques de près : de nombreux agriculteurs ont dû modifier leurs plans à la dernière minute, troquant le soja contre le maïs, ce dernier apparaissant plus rentable en pleine incertitude.

Kyle pointe du doigt le fossé dangereux entre décisions politiques et investissements agricoles :
« On peut construire une usine de biocarburants en 18 mois, mais une guerre commerciale peut fermer un marché en 18 heures. Ce déséquilibre déstabilise tout le monde. »

Alors que la Chine était autrefois le plus grand importateur de soja américain, elle s’approvisionne désormais majoritairement au Brésil — un basculement qui a coûté des milliards de dollars aux agriculteurs américains, réduisant leur influence sur le marché mondial.
« Nous avons laissé passer une opportunité majeure », déclare Billett sans détour. « Si les responsables politiques ne réagissent pas pour réparer la situation, d’autres prendront notre place — et le Brésil a déjà commencé. »

L’accord temporaire conclu entre la Chine et les États-Unis à la mi-mai, qui prévoit une période d’apaisement de 90 jours, est vu par Billett comme un signe d’espoir — fragile certes, mais réel.
« Le sujet n’est pas seulement une affaire de commerce de maïs ou de soja », insiste-t-il. « C’est une question de confiance. Et la confiance ne se bâtit pas avec des communiqués de presse, mais à travers le dialogue direct entre les gens. »

À ses yeux, les relations internationales d’aujourd’hui ne se jouent plus sur les équilibres militaires, mais se consolident par les échanges humains, culturels et intellectuels.
« Nous ne voulons pas échanger des missiles », dit Billett, « nous voulons échanger de la nourriture, des valeurs, des idées et les fruits de nos esprits. »

Face aux aléas du marché, Billett mise aujourd’hui sur la production de maïs pour nourrir son bétail, ce qui représente environ 30 % des revenus de la ferme. Il organise aussi une transition progressive vers la nouvelle génération, ses enfants et petits-enfants prenant peu à peu le relais.
« La génération actuelle n’a pas les moyens financiers d’entrer dans le métier en force dès le départ, alors nous avons adapté notre mode de gestion. Chaque année, ils assument davantage de responsabilités. »

Billett mise sur la diversité agricole, alternant culture de maïs et de soja pour réduire la dépendance aux produits chimiques, profitant de la fertilité des sols profonds de sa région.
« Cette année, je me suis passé d’engrais, mais je ne tolérerai pas les mauvaises herbes. Les herbicides sont nécessaires, et les champignons peuvent être maîtrisés si les prix sont raisonnables », précise-t-il.

Malgré le tumulte politique, Billett garde foi en la possibilité d’améliorer les relations sino-américaines grâce à ce qu’il appelle « la diplomatie d’humain à humain ».
« Quand on exporte du soja, on n’exporte pas seulement une récolte », conclut-il. « On exporte une histoire, un savoir, un travail acharné et de la confiance. Voilà l’essence même des relations authentiques.

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