
Au cœur d’un vaste territoire semi-désertique dans la région de l’Oriental, les nomades vivent les jours du Ramadan en parfaite harmonie avec la nature : Un style de vie simple empreint d’une atmosphère spirituelle particulière qui met en avant la profondeur de leur lien avec les coutumes et traditions authentiques.
Visible dans les détails de leur quotidien, cette harmonie reflète la force de leur foi, synonyme de tranquillité et de satisfaction, et où leur vie devient un témoignage vivant de l’âme humaine lorsqu’elle se fonde dans l’héritage culturel et les traditions héritées de génération en génération.
Les nuits ramadanesques, sombres et froides pendant cette saison, apportent une saveur particulière à la vie des nomades : Les membres de la famille se rassemblent autour d’un feu tranquille, échangeant sur les voyages des nomades et les histoires de leurs ancêtres, et discutant des événements qui ponctuent leur vie quotidienne, tandis que les lumières des lanternes traditionnelles brillent, ajoutant un charme particulier à l’atmosphère.
Dans la commune d’Ouled Ghziyel, dans le cercle d’Ain Bni Mathar (province de Jerada), la journée des nomades durant le ramadan débute aux premières lueurs de l’aube, lorsque les hommes partent avec le troupeau de bétail à la recherche de pâturages et d’eau, tandis que les femmes s’occupent de gérer la tente et de préparer les nécessités de la journée, et malgré les conditions météorologiques climatiques instables qui caractérisent cette région, ils continuent leur jeûne avec patience, puisant leur force dans leur foi profonde.
Hassan Jebbour, un nomade d’Ouled Ghziyel, se réveille tôt pour commencer la journée du bon pied. A l’aube, il lâche le bétail en pâture et ne revient chez lui qu’à midi pour se reposer un peu en prévision d’une autre sortie dans l’après-midi.
Avant l’appel à la prière d’Al Maghrib, lui et sa femme tiennent à préparer le repas de l’iftar qui rassemble tous les membres de la famille autour d’une même table, composée principalement de lait, de dattes, de thé et de harira, des produits essentiels de la table des nomades, en plus de pâtisseries que leurs femmes maîtrisent et qu’elles préparent à partir d’aliments et d’ingrédients simples dont elles disposent.
Hassan Jebbour a expliqué, dans une interview accordée à la MAP, que les nomades tiennent à accomplir les rituels religieux, notamment la prière de Tarawih, à son heure, malgré l’éloignement des centres urbains et des mosquées, notant que certaines familles installent de petites tentes pour prier, tandis que d’autres recourent aux moyens de transport disponibles pour se rendre dans des mosquées, parfois à plusieurs kilomètres, pour accomplir les prières d’Isha et de Tarawih.
A cet égard, il a souligné qu’après la rupture du jeûne et la prière de Tarawih il s’assoit avec les membres de sa famille pour réciter des versets du Saint Coran, dans une atmosphère remplie de quiétude, avant de discuter de leurs affaires quotidiennes et planifier les itinéraires des caravanes pastorales, dans une tradition qui reflète l’importance de la sagesse collective dans la gestion de la vie bédouine.
Pour sa part, Fatima Jebbour a fait savoir que durant le mois sacré les femmes entament les préparatifs dès le matin : ramassent du bois, apportent de l’eau et préparent le pain traditionnel, en plus de la harira, «msemen» ou « baghrir» pour le repas de l’iftar.
Pour ce qui est du repas du S’hour, a-t-elle poursuivi, il repose sur des aliments simples comme le lait de chèvre, le pain et les dattes, précisant que la célébration de la nuit du milieu du mois de Ramadan et de Laylat Al Qadr se distingue par des rituels particuliers, où le «Barkoukoush» ou «Trid» est préparé avec du poulet local, ou encore «Gueddid», autour duquel les familles se retrouvent dans une tradition qui reflète leur attachement à leur patrimoine culturel ancestral, transmis de génération en génération.
Bien que ces rituels du Ramadan ne soient pas sans défis, les valeurs de coopération et de solidarité restent prédominantes, car les familles proches partagent leurs maigres ressources, incarnant l’esprit de solidarité qui caractérise la vie à la campagne.
A cet égard, Jamal Haddadi, professeur à l’Université Mohammed Premier d’Oujda et chercheur en patrimoine, a relevé que la vie nomade, notamment pendant le Ramadan, repose sur une répartition des rôles au sein de la famille. Les hommes s’occupent du bétail, les femmes gèrent la tente et les enfants participent aux tâches quotidiennes comme la collecte du bois et l’approvisionnement en eau, ce qui les aide à développer leur autonomie dès leur plus jeune âge.
Il a enchaîné que les nomades sont restés fidèles à leur mode de vie, considérant le Ramadan comme une occasion de consolider les valeurs religieuses et sociales et de renforcer les liens familiaux, affirmant que malgré l’éloignement des mosquées et des centres urbains, ils tiennent à célébrer ce mois avec les moyens que leur permet leur environnement.
Ce professeur-chercheur a estimé que parler de nomades revient à parler d’une culture et d’un mode de vie qui implique le déplacement constant à la recherche de pâturages et d’eau, notant que cette catégorie est confrontée à des défis croissants en raison du changement climatique, qui a contraint certaines familles à migrer vers les villes.
Il a mis l’accent, dans ce sens, sur l’impératif de préserver la culture des nomades et de documenter leur patrimoine, y compris leurs habitudes alimentaires, leurs vêtements traditionnels et les styles qu’ils adoptent pour s’adapter à leur environnement difficile, car, selon lui, les nomades ne représentent pas seulement un mode de vie, mais constituent plutôt une partie intégrante de l’identité culturelle de la région de l’Oriental.
La vie des nomades pendant le Ramadan, avec tous ses défis et ses rituels, reflète la coexistence extraordinaire de l’être humain avec son environnement, et est aussi une véritable incarnation des valeurs de solidarité et de soutien mutuel entre les membres de la famille et de la société.
A la lumière des pressions auxquelles cette catégorie est confrontée, notamment les changements climatiques, économiques et sociaux, il subsiste un espoir de faire revivre ce patrimoine et de le protéger de l’extinction, non seulement par un soutien continu, mais aussi en reconnaissant l’importance de la culture nomade et en préservant leur mode de vie comme une composante essentielle de l’identité de la région de l’Oriental.