Les années passent, les élections s’organisent, les gouvernements se forment et se reforment, mais les problèmes de fond que connait la Tunisie restent les mêmes.
Depuis plus de 10 ans, le pays vit au rythme de crises politiques récurrentes, de difficultés économiques insoutenables et de tensions sociales toujours vives.
L’année 2020, qui tire à sa fin, n’a pas dérogé à la règle et l’éclaircie longtemps attendue se fait toujours attendre malgré la reconfiguration de la classe politique, suite aux élections présidentielle et législatives de fin 2019.
Au lendemain de ces scrutins, les espoirs nourris ont été vite déçus, selon certains observateurs, par la faute d’une classe politique prompte à tous les combats fratricides, d’un projet mobilisateur et de leaders politiques capables de forcer le destin.
D’après ces mêmes observateurs, les crises dans laquelle pâtit le pays sont toutes annonciatrices de lendemains incertains, de consensus difficiles et d’une gouvernance presque impossible des affaires du pays.
Sur le plan politique, l’année qui s’achève a vu les cartes, plus que jamais, brouillées et les relations entre les familles politiques dans le pays, qui compte actuellement 228 partis politiques, presque impossible.
Dans ce sens, le gouvernement dirigé par Elyes Fakhfakh n’a pas survécu au scandale de conflit d’intérêt et suspicion de corruption. Sa démission le 15 juillet 2020 en fait le gouvernement dont la durée de vie fut l’une des plus courtes de l’histoire de la Tunisie, soit 4 mois et 18 jours.
Vient ensuite le gouvernement dirigé par Hichem Mechichi qui, selon ses détracteurs, a impliqué le pays dans des accords passés avec certaines coordinations sociales qui bloquaient les sites de production dans certaines régions.
La solution trouvée à la crise d’El Kamour (sud tunisien) où existent des ressources pétrolières, a été le déclencheur d’ un « phénomène inquiétant » se traduisant dans certaines régions (Gabès, kasserine, Gafsa, Béja, Siliana..) par le blocage de tout processus de production et la rupture de l’approvisionnement des régions du centre et du sud notamment en bouteilles de gaz si indispensables en hiver, selon ces critiques.
Ces évolutions ont mis en péril l’unité nationale du pays et les fondements républicains tout en ravivant un peu partout l’esprit tribal que les Tunisiens croyaient révolu et qui hypothèquent la survie du gouvernement Mechichi, observent-ils.
Dans un pays où les moteurs de la croissance sont longtemps en panne, en proie à une crise sans précédent des finances publiques et à une agitation permanente, le parlement tunisien s’est transformé en une arène pour des combats politiciens improductifs et même à un échange de violences verbales et physiques entre les élus.
D’après certains chefs de partis d’opposition, le pouvoir législatif est ainsi devenu un facteur de déstabilisation et de division dont la dérive est dénoncée unanimement à tel point que la dissolution du parlement s’est révélée ces derniers temps une demande presque populaire dont la matérialisation relève pourtant de l’impossible.
Sur le plan économique, la Tunisie laisse entrevoir un état des lieux désastreux de certaines activités, dont les secteurs du phosphate et du pétrole, longtemps sinistrés par les perturbations sociales, qui voient leur apport en production ou en recettes réduit considérablement.
Il en résulte pour 2020 une contraction de 8% de l’économie tunisienne, un déficit abyssal des entreprises publiques, avec en prime une dette des entreprises publiques garantie par l’Etat s’élève à 15 % du PIB et enfin une dette publique de plus en plus peu soutenable frôlant 90% du PIB contre 72,5% en 2019.
Manifestement, c’est la crise des finances publiques qui pose plus de problèmes. Cela a revêtu une acuité lors du financement du budget 2020 et notamment l’adoption de la loi de finances complémentaire 2020 qui a donné lieu à un bras de fer entre le gouvernement et la Banque centrale de Tunisie, gardienne de l’orthodoxie financière, qui a rejeté la demande du gouvernement de couvrir l’énorme déficit budgétaire d’environ 3,4 milliards d’euros pour l’année 2020.
Au moment où de nombreux appels fusent de partout pour lancer un dialogue national salvateur, des idées comme l’impératif du vivre-ensemble, de resserrer les rangs de toutes les forces vives de la nation pour permettre au pays de dépasser le mauvais cap, il est des idées qui peinent à susciter l’adhésion de tous. Ce sont plutôt, au grand dam des Tunisiens, la logique de l’exclusion et des règlements de comptes qui dominent le débat et qui polarisent l’attention.