L’application de la taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits industrialisés contenant du sucre, sujet épineux en plein débat par les différentes parties concernées, se veut une mesure favorable à la préservation de la santé des citoyens. Mais quel est le coût économique de cette taxe ?
Au-delà de son volet sanitaire, cette taxe, qui a connu à travers le temps plusieurs changements et révisions sur le plan réglementaire, serait à même de permettre la restitution d’une partie de la subvention destinée aux catégories vulnérables.
D’ailleurs, une série de changements a été initiée par le législateur, dont les plus récents sont l’augmentation en 2019 de la TIC à hauteur de 50% sur les boissons non alcoolisées, les jus préparés avec le sucre nectar, les boissons gazeuses et les eaux qui contiennent une certaine quantité de sucre, ainsi que l’application en 2020, de la taxation progressive sur les boissons non alcoolisées selon la quantité du sucre ajoutée.
En effet, la TIC sur les produits contenant du sucre a été au centre de débat depuis 4 ans au parlement lors de la discussion de la loi de finances. C’est ce qu’a affirmé Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du parti de la justice et du développement (PJD) dans une déclaration à la MAP lors d’une rencontre, tenue début mars, par la commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants et la commission des finances, de la planification et du développement économique à la Chambre des conseillers.
D’après lui, cette rencontre intervenait suite aux discussions précédentes au parlement, avec pour objectif d’aboutir à un consensus autour de la taxation et à un seuil.
Il s’agit aussi de solliciter l’engagement des industriels en proposant des alternatives avec des produits qui causent moins de dégâts sur la santé du citoyen, a ajouté M. Bouanou.
Quid de l’impact de cette taxation ?
Avant son entrée en vigueur, cette taxe devrait, tout naturellement, faire l’objet d’études visant à apprécier ses véritables répercussions aussi bien sur la santé des citoyens que sur le tissu industriel agroalimentaire.
C’est dans cette optique que la Fédération nationale de l’agroalimentaire (FENAGRI), en coordination avec la Fédération « Maroc Lait », l’Association de la biscuiterie, confiserie et chocolaterie, l’Association marocaine des boissons, l’Association marocaine des jus et l’Association professionnelle sucrière, a confié à un bureau d’études la réalisation d’une étude approfondie sur l’impact de cette taxation.
Il en ressort que la répartition des sources de consommation marocaine de sucre montre qu’uniquement une proportion de 25% du sucre provient d’une source indirecte à travers la consommation de produits alimentaires industrialisés, contre 75% de sucre de bouche (consommé à travers notamment le thé, le café, et les pâtes).
Ceci implique que la TIC vise 1/4 de la quantité du sucre consommé au niveau national à travers les produits alimentaires visés et la rend donc sans intérêt.
Aussi, la comparaison du pourcentage de consommation de sucre au Maroc par rapport à d’autres pays révèle que le pourcentage de consommation de sucre indirect dans le Royaume est inférieur deux à trois fois de celui des pays du sud de la Méditerranée.
Ladite étude indique également que le pourcentage de consommation du sucre indirect est en hausse dans les pays ayant instauré la TIC sur les produits alimentaires industrialisés, notamment la France (85%), le Mexique (73%) et l’Afrique du Sud (62%), ce qui montre que le recours systématique à l’adoption de cette taxe demeure inutile et nécessite de prendre en considération les particularités de chaque pays.
De même, l’application de la TIC contribuera à la hausse des prix des produits alimentaires industrialisés concernés, sachant qu’il n’y a eu aucun changement à leur niveau depuis plus de 10 ans et que la vente se fait à la pièce. En outre, les prix de vente des produits alimentaires industrialisés se caractérisent par une élasticité faible à nulle.
Concernant l’impact sur les entreprises des industries agroalimentaires nationales, l’étude fait ressortir que la taxation va infliger des dégâts importants aux industries agroalimentaires locales, qui contribuent au développement économique et à la création d’emploi, limitant ainsi l’évolution du secteur sans atteindre les résultats escomptés.
La taxation obligera aussi de recourir aux matières locales chimiques au lieu du sucre en tant que matière naturelle, ce qui va impacter négativement la santé du consommateur.
Globalement, appliquer la TIC sur les produits industrialisés contenant du sucre nécessite de prendre en considération les enjeux qui en découlent. Dès lors, le vrai défi consiste à aboutir à un consensus qui assure en même temps la préservation de la santé des citoyens et la compétitivité des entreprises industrielles marocaines.
Dans cette veine, il serait souhaitable d’entamer des campagnes de sensibilisation autour des méfaits de la surconsommation du sucre et de fixer la quantité maximale de sucre selon la nature de chaque produit par des normes obligatoires.