
Par Meryem Hafiani – ALDAR
La monnaie nationale marocaine, le dirham, connaît une présence croissante dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et de la région du Sahel, marquant ainsi un tournant stratégique dans le paysage monétaire et économique régional. Plusieurs pays africains, longtemps dépendants du franc CFA lié à la Banque de France, manifestent désormais un intérêt grandissant pour l’utilisation du dirham marocain, que ce soit comme devise alternative ou complémentaire dans leurs transactions commerciales et financières, en raison de leurs liens économiques de plus en plus étroits avec le Maroc.
Cette évolution n’est pas fortuite ; elle s’inscrit dans le prolongement d’un long processus d’accumulation diplomatique et économique que le Maroc a engagé avec le continent africain, notamment après son retour au sein de l’Union africaine en 2017. Depuis lors, le Royaume a lancé une série de partenariats économiques et d’investissements dans des secteurs clés tels que les infrastructures, la banque et l’énergie. Fort de sa relative stabilité économique et d’un marché financier prometteur, le dirham jouit désormais d’une confiance grandissante au sein de l’espace africain, notamment dans un contexte où s’accélère le désir de réduire la dépendance vis-à-vis du franc CFA, perçu par beaucoup comme un symbole de la domination française sur les décisions financières de plusieurs pays africains.
Des données officielles publiées par Bank Al-Maghrib et la Banque africaine de développement font état d’une augmentation rapide du volume des échanges commerciaux entre le Maroc et les pays d’Afrique de l’Ouest au cours des dernières années, ce qui a contribué à une plus grande circulation du dirham sur les marchés régionaux. Par ailleurs, l’expansion des banques marocaines dans plusieurs capitales africaines a permis de mettre en place les infrastructures nécessaires pour une utilisation plus fréquente de la monnaie marocaine dans les transactions quotidiennes.
L’adoption croissante du dirham dépasse la seule dimension économique ; elle est également liée à des considérations politiques liées à la redéfinition des équilibres d’influence en Afrique. Alors que le rôle traditionnel de la France dans la région s’efface progressivement au profit de nouvelles puissances, dont le Maroc, plusieurs pays africains explorent des options alternatives pour renforcer leur souveraineté monétaire et financière. Le dirham pourrait ainsi trouver un terrain favorable à son expansion, notamment si cela s’accompagne de mesures incitatives et d’une intégration bancaire concrète.
Certes, cette dynamique n’est pas exempte de défis, qu’il s’agisse de l’harmonisation des cadres juridiques ou des écarts de stabilité économique entre les pays concernés. Néanmoins, les premiers signaux indiquent que l’avenir du dirham au-delà des frontières marocaines est en train de se dessiner avec assurance, en attendant que ces pays prennent des décisions claires quant à leurs choix monétaires dans un contexte de profondes transformations à l’échelle du continent africain.