ALDAR / Analyse
Les relations entre l’Algérie et la Turquie connaissent une montée en tension qui porte des dimensions politiques et régionales profondes. Depuis que la Turquie a joué un rôle clé dans l’affaiblissement du régime de Bachar al-Assad, allié historique de l’Algérie, jusqu’à sa chute et sa fuite, Ankara s’est imposée comme une puissance régionale dont les intérêts entrent en conflit avec ceux de l’Algérie sur plusieurs dossiers. Bien que cette tension ne soit pas directement affichée, elle se manifeste dans les manœuvres adoptées par l’Algérie pour contrer l’influence croissante de la Turquie dans la région.
La guerre en Syrie a marqué le début de ce basculement dans les relations entre les deux pays. La Turquie, en soutenant l’opposition syrienne, a été l’une des principales causes de l’affaiblissement du régime d’Assad, un régime sur lequel l’Algérie comptait depuis des décennies comme partenaire stratégique pour maintenir un équilibre régional. Pour l’Algérie, la chute d’Assad a constitué un coup indirect à son influence, d’autant plus qu’elle a été suivie par l’émergence du rôle turc dans la région, suscitant des inquiétudes quant à un déséquilibre en Afrique du Nord et dans la région du Sahel.
La Libye est devenue le théâtre le plus visible de ce conflit indirect entre l’Algérie et la Turquie. Le soutien d’Ankara au Gouvernement d’union nationale (GNA) à Tripoli et son intervention militaire décisive ont changé les règles du jeu dans le conflit libyen. De son côté, l’Algérie a tenté de maintenir une position diplomatique prudente, mais elle a perçu les actions de la Turquie comme une menace à son rôle traditionnel de médiateur régional.
Les tensions ne se sont pas limitées à la sphère politique, mais se sont également étendues au domaine économique. L’expansion de l’influence turque en Afrique, à travers des investissements et des partenariats commerciaux, a renforcé la présence d’Ankara dans des régions que l’Algérie considérait historiquement comme faisant partie de son périmètre d’influence naturel. Par sa politique proactive en Afrique, la Turquie a démontré sa capacité à combler les vides laissés par les puissances traditionnelles, mettant l’Algérie face à une concurrence inédite en matière d’investissement et d’influence culturelle.
Pour faire face à ce défi, l’Algérie a renforcé ses relations avec des alliés comme la Russie et l’Iran, tout en continuant à soutenir le régime d’Assad malgré les crises économiques et politiques qui frappaient la Syrie. Elle a également utilisé les médias comme outil pour tenter de discréditer les politiques turques, en mettant en avant les crises internes auxquelles Ankara est confrontée, telles que la question kurde et les défis économiques.
Malgré ces manœuvres, la réponse turque a été marquée par une flexibilité et un pragmatisme. La Turquie a mis l’accent sur le renforcement des relations économiques avec l’Algérie, avec une augmentation significative des investissements turcs sur le marché algérien, montrant ainsi la volonté d’Ankara de maintenir une distinction claire entre la politique et l’économie.
La question fondamentale reste celle de l’avenir de cette tension : les manœuvres algériennes évolueront-elles vers une confrontation directe ? Compte tenu des changements géopolitiques actuels, ce conflit semble ouvert à toutes les possibilités, notamment après l’accueil par l’Algérie, à Tindouf, de séparatistes kurdes venant de Turquie et de Syrie, une initiative qui ajoute une nouvelle couche de complexité à cette rivalité.