Des procureurs japonais ont requis vendredi presque trois ans de prison ferme à l’encontre de deux Américains jugés à Tokyo pour avoir aidé Carlos Ghosn à quitter le Japon fin 2019, alors qu’il était en liberté sous caution.
Une peine de deux ans et dix mois de prison a été requise contre Michael Taylor, 60 ans, ancien membre des forces spéciales américaines reconverti dans la sécurité privée, et une peine de deux ans et demi pour son fils Peter, 28 ans.
Leurs avocats ont plaidé pour des peines avec sursis. Le verdict sera connu le 19 juillet.
La fuite de M. Ghosn du Japon a « considérablement enfreint la justice pénale de notre pays », a souligné vendredi un procureur devant le tribunal pour justifier les réquisitions du parquet.
« C’était un acte criminel très sophistiqué et effronté », a ajouté ce procureur, jugeant « extrêmement grave » la responsabilité de Michael Taylor qui a joué un « rôle central » dans l’opération.
Lors de la première audience de leur procès le 14 juin, les Taylor n’avaient pas contesté les faits qui leur sont reprochés. Ils avaient été arrêtés en mai 2020 aux Etats-Unis puis extradés au Japon en mars de cette année.
Ils ont ainsi déjà passé plus d’un an en détention provisoire. Leurs condamnations pourraient éventuellement prendre en compte leur temps passé en détention aux Etats-Unis en attendant leur extradition.
Les deux hommes, qui avaient dit mardi à l’audience qu’ils regrettaient « profondément » leurs actes, se sont de nouveau excusés vendredi en s’inclinant devant les juges.
S’il a aidé Carlos Ghosn, « ce n’était pas pour de l’argent », a assuré Michael Taylor d’une voix tremblante, vêtu d’un costume sombre et d’une chemise blanche. « J’ai plein de remords, je suis désolé ».
« Je suis profondément désolé envers le système judiciaire japonais (…), je m’excuse envers le peuple japonais, et je regrette profondément mes actes », a déclaré son fils Peter.
La fuite de M. Ghosn a connu un retentissement mondial et profondément humilié les autorités japonaises.
Un document des procureurs américains avait évoqué « une des fuites les plus effrontées et les mieux orchestrées de l’histoire récente ».
L’évasion s’était déroulée dans des circonstances rocambolesques: le magnat déchu de l’industrie automobile s’était notamment caché dans un gros caisson de matériel audio pour éviter les contrôles à l’aéroport d’Osaka (ouest du Japon), qui ne les pratiquait pas à l’époque sur les bagages de passagers d’un jet privé.
M. Ghosn avait pu ainsi rejoindre Beyrouth via Istanbul à bord de jets privés loués pour l’occasion.
Depuis, le Franco-libano-brésilien vit au Liban, hors d’atteinte de la justice japonaise puisque le pays du Cèdre n’extrade pas ses ressortissants.
Fin 2019, l’ancien grand patron de Renault et Nissan était en liberté sous caution à Tokyo avec l’interdiction de quitter le territoire japonais, en attendant l’ouverture de son procès pour malversations financières présumées chez Nissan, des accusations qu’il a toujours niées.
Sa fuite n’a pas empêché l’ouverture en septembre 2020 d’un procès pénal à Tokyo au sujet de rémunérations différées totalisant plusieurs dizaines de millions de dollars que le président de Nissan était censé toucher à sa retraite, mais sans que cela soit mentionné dans les rapports boursiers du groupe.
Un ancien responsable juridique de Nissan, l’Américain Greg Kelly, qui avait été arrêté au Japon le même jour que M. Ghosn en novembre 2018, est toujours jugé actuellement dans cette affaire de rémunérations différées et encourt jusqu’à dix ans de prison.
En février, trois ressortissants turcs ont été condamnés à plus de quatre ans de prison chacun par un tribunal d’Istanbul dans l’affaire de la fuite de M. Ghosn: un responsable de la compagnie turque de location de jets privés MNG Jet et deux pilotes qui avaient assuré le vol Osaka-Istanbul.
Un autre complice présumé de la fuite de Carlos Ghosn, George-Antoine Zayek, un homme d’origine libanaise qui avait assisté les Taylor au Japon, reste quant à lui introuvable.