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La pauvreté multidimensionnelle au Maroc : recul significatif et disparités territoriales persistantes malgré des politiques de développement ciblées

 

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Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a dévoilé une nouvelle cartographie de la pauvreté multidimensionnelle au Maroc, fondée sur les données du Recensement général de la population et de l’habitat de 2024. Contrairement à l’approche traditionnelle qui mesure la pauvreté uniquement à travers les dépenses des ménages, cette nouvelle carte prend en compte des dimensions telles que l’éducation, la santé et les conditions de vie, afin de révéler des formes de privation que les indicateurs financiers ne reflètent pas à eux seuls.

Selon cette nouvelle méthodologie, un ménage est considéré comme pauvre s’il souffre d’une privation d’au moins 33 % des indicateurs retenus, ce qui permet une lecture plus équitable de la réalité sociale et économique des Marocains, notamment dans un contexte de fortes disparités régionales, provinciales et même communales.

Dix ans de progrès… mais une pauvreté toujours largement rurale

Entre 2014 et 2024, le Maroc a enregistré un recul notable de la pauvreté multidimensionnelle. À l’échelle nationale, son taux est passé de 11,9 % à 6,8 %, ce qui signifie que le nombre de pauvres est passé d’environ 4 millions à 2,5 millions de personnes. De même, l’indice de sévérité de la pauvreté a baissé de 38,1 % à 36,7 %, réduisant ainsi l’indice global de pauvreté de près de moitié.

Cependant, la pauvreté demeure majoritairement rurale : environ 72 % des personnes pauvres vivent en milieu rural, contre 79 % en 2014. Le taux de pauvreté y reste largement supérieur à celui des zones urbaines (13,1 % contre 3,0 %).

La vulnérabilité a également reculé, mais elle continue de menacer une large frange de la population. On estime à près de trois millions le nombre de personnes à risque de basculer dans la pauvreté, dont 82 % en milieu rural, ce qui souligne la persistance d’un danger réel.

Disparités régionales : amélioration globale, mais écarts marqués

Toutes les régions du Royaume ont vu leur taux de pauvreté multidimensionnelle diminuer, mais à des degrés divers. Les régions de Marrakech-Safi, Béni Mellal-Khénifra et Drâa-Tafilalet ont connu des baisses marquées, dépassant parfois 7 points de pourcentage. En revanche, les reculs ont été plus limités dans les régions du Sud telles que Laâyoune-Sakia El Hamra et Dakhla-Oued Eddahab.

Malgré ces avancées, les écarts régionaux restent importants : la pauvreté dépasse 9 % dans les régions de Béni Mellal-Khénifra et Fès-Meknès, alors que les taux dans les régions de Laâyoune et Dakhla tournent autour de 2,5 %. Cinq régions concentrent environ 70 % des personnes pauvres, ce qui révèle une forte concentration géographique de la pauvreté.

Approche provinciale : des poches de résistance à la pauvreté

Les taux de pauvreté ont baissé dans l’ensemble des provinces, en particulier dans celles les plus touchées en 2014, telles qu’Azilal, Chichaoua et Essaouira, où les reculs ont dépassé les 13 points de pourcentage. En revanche, les grandes villes comme Casablanca et Rabat ont connu des changements plus limités.

Malgré ces baisses, certaines provinces affichent encore des taux très élevés, notamment Figuig (24,1 %) et Taounate (21,1 %). D’autres, comme Azilal, Chichaoua, Taza et Ouezzane, enregistrent des taux supérieurs au double de la moyenne nationale.

La vulnérabilité provinciale suit une tendance similaire : treize provinces affichent des taux supérieurs à 15 %, concentrant à elles seules près du tiers de la population menacée de pauvreté à l’échelle nationale.

Niveau communal : les politiques de ciblage portent leurs fruits

La plupart des communes ont enregistré une amélioration des taux de pauvreté, surtout en milieu rural, où la pauvreté a reculé dans 95,5 % des communes, contre 88,4 % en milieu urbain. Les reculs les plus importants ont été observés dans les communes qui enregistraient les taux les plus élevés en 2014.

Les chiffres révèlent que dans les communes rurales ciblées par les deux premières phases de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), le taux de pauvreté est passé de 27,8 % à 15,5 % en dix ans, soit une baisse plus marquée que dans les communes non concernées par cette initiative. Cela témoigne de l’efficacité des politiques de développement territorial ciblé.

En 2024, environ 16 % des communes – majoritairement rurales – présentent encore un taux de pauvreté supérieur à 20 %, ce qui appelle à redoubler d’efforts pour éradiquer ces « points noirs » sociaux.

Vers un Maroc plus équitable : la nécessité de poursuivre les réformes territoriales

Les données indiquent que le Maroc a réalisé des avancées significatives dans la réduction de la pauvreté multidimensionnelle, notamment dans les zones les plus fragiles sur le plan structurel. Cependant, la persistance des inégalités entre régions, provinces et communes exige un approfondissement des politiques de ciblage territorial, un renforcement de la justice spatiale via des investissements adaptés, des services sociaux équitables et un développement humain durable.

La nouvelle carte de la pauvreté ne se contente pas de livrer des chiffres, elle éclaire le chemin vers un Maroc plus inclusif et plus juste, où nul ne sera exclu des fruits de la croissance.

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