Il y a moins d’un an, les malades y étaient triés sous des tentes dressées dans l’urgence : au coeur de la tragédie italienne au moment de l’apparition du nouveau coronavirus l’hiver dernier, l’hôpital de Crémone a injecté dimanche ses premiers vaccins.
Un premier lot de 9.750 doses arrivé vendredi en Italie a été réparti sur tout le territoire et livré dimanche aux hôpitaux, à Rome et en région où ils ont commencé à vacciner, comme dans toute l’Union européenne.
A Crémone, en Lombardie (nord), la région la plus touchée du pays avec près de 25.000 morts sur un total de 72.000, le vaccin suscite un immense espoir parmi les soignants, qui ont vécu l’enfer lors de l’émergence de la pandémie fin février.
« Aujourd’hui est un grand moment quand on repense à tout ce que nous avons vécu ces derniers mois, surtout pendant la première vague de la pandémie », explique l’infirmière Isabella Palazzini, qui a été parmi les premiers vaccinés. « C’était des moments très difficiles à vivre, à la fois pour les malades et pour nous, les soignants ». Trois de ses collègues sont morts du Covid-19.
Cinquante doses de vaccin ont été expédiées à Crémone, à une heure de route au sud-est de Milan, dans une ambulance escortée par deux véhicules de police.
A la remise du précieux chargement, médecins en blouse blanche et policiers en uniforme, mais aussi le maire et le préfet, tous réglementairement masqués, se sont mis à applaudir de concert.
Sous la surveillance cette fois de carabiniers armés, les vaccins enfermés dans une glacière grise ont ensuite été acheminés sur un petit chariot jusqu’au département pharmacologique pour être stockés dans des frigos fermés à double tour.
« C’est un moment de grande joie », a confié Monia Betti, la directrice du service de pneumologie de l’établissement, qui a elle aussi reçu une injection. « C’est l’espoir d’un changement qui se concrétise enfin, après 10 mois pendant lesquels nous nous sommes occupés de patients très grièvement malades ».
Avant la pandémie, Crémone était surtout connue pour être la patrie de Stradivarius, une paisible bourgade comptant 70.000 habitants dont 160 luthiers, fragilisés par la concurrence étrangère puis par le coup d’arrêt porté par le virus à l’économie et à la vie culturelle.
La crise sanitaire a commencé le 21 février dans le nord de l’Italie, alors nouvel épicentre de la pandémie après la Chine.
Dès le 22 au matin, l’hôpital de Crémone installait une tente pour accueillir les cas symptomatiques. L’Italie ne recensait alors que 79 morts et 2.500 cas… Un mois plus tard, la seule Lombardie déplorait déjà plus de 2.500 décès.
L’arrivée des vaccins intervient après que l’Italie a reconfiné, juste avant Noël, pour éviter une explosion des contaminations pendant les fêtes et repousser la spectre d’une troisième vague, redoutée par les soignants.
Le pays espère lancer la vaccination de masse début janvier, avec 470.000 injections prévues chaque semaine. En attendant, souligne Angelo Pan, le chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital de Crémone, les Italiens doivent rester vigilants.
« Il faudra du temps avant que le pourcentage de population vaccinée atteigne un niveau qui limite sérieusement la diffusion du virus », fait-il valoir. Le gouvernement estime que ce pourcentage devrait se situer entre 75 et 80%, alors que moins de 60% des Italiens déclarent avoir l’intention de se faire piquer.
Enrico Sorti n’a pas hésité. Chef du service de réanimation à l’hôpital de Crémone, il est l’un des tout premiers à avoir reçu une injection du vaccin de Pfizer-BioNTech.
Rien, selon lui, ne « soutient la thèse d’un vaccin mal testé » et d’un processus de conception « moins efficace et moins prudent ».
Pour montrer l’exemple, le président de la région lombarde, Attilio Fontana, 68 ans, s’est lui aussi fait vacciner dimanche.