
ALDAR/ Kalthoum IDBOUFRADE
Quatre-vingts ans après la victoire de la Chine sur l’agression japonaise, il ne s’agit pas seulement d’un souvenir militaire inscrit dans les annales de l’histoire, mais bien d’une étape fondatrice dans l’ascension d’une puissance asiatique ayant su transformer les blessures de la guerre en leviers de force, et convertir sa résilience militaire en un projet civilisationnel et économique intégré. Dans la mémoire du peuple chinois, cette victoire ne marque pas la fin d’un conflit, mais le début d’un parcours vers la construction d’un État moderne et cohérent, maîtrisant l’art de conjuguer défense de la souveraineté et développement d’une influence économique sur la scène internationale.
Aujourd’hui, dans un monde en pleine recomposition, marqué par des crises économiques et des tensions géopolitiques croissantes, Pékin et Rabat invoquent ce souvenir non seulement comme un symbole du passé, mais comme un point d’appui pour dessiner les contours d’une alliance stratégique élargie. Le Maroc, doté d’une position géographique exceptionnelle reliant l’Afrique à l’Europe et l’Atlantique à la Méditerranée, voit dans la Chine un partenaire capable de transmettre un savoir-faire en matière de développement, d’économie et de technologies. De son côté, Pékin considère Rabat comme une porte d’entrée privilégiée vers les marchés africains et vers un espace politique à forte influence.
Les relations, établies officiellement en 1958, ont évolué d’un simple échange diplomatique vers un réseau d’intérêts interconnectés englobant la culture, l’éducation, les infrastructures et la technologie, jusqu’aux domaines de la sécurité et de la défense. Ce partenariat dépasse désormais le cadre bilatéral pour s’inscrire dans une reconfiguration plus large des rapports de force mondiaux, où l’initiative chinoise « La Ceinture et la Route » rencontre les grands projets de développement du Maroc, notamment dans les secteurs portuaire, ferroviaire et des énergies renouvelables.
Dans cette nouvelle vision commune, les priorités se partagent entre le soutien à l’éducation via des bourses accordées aux jeunes élites marocaines, le transfert de technologies avancées en intelligence artificielle, le développement des infrastructures pour relier les grandes villes aux zones marginalisées, ainsi que le renforcement des capacités sécuritaires en vue d’événements internationaux majeurs tels que la Coupe du monde 2030. Ces initiatives ne sont pas de simples projets techniques, mais des instruments stratégiques destinés à accroître la compétitivité internationale du Maroc et à permettre à la Chine d’approfondir sa présence en Afrique de l’Ouest et du Nord.
Dans un contexte mondial où les cartes du pouvoir sont redessinées, ce partenariat entre le Maroc et la Chine se présente comme un modèle de coopération fondé sur l’échange mutuel d’avantages plutôt que sur l’imposition de l’hégémonie, misant sur l’intelligence politique plutôt que sur la confrontation géopolitique. C’est une équation qui conjugue un héritage civilisationnel profondément enraciné et une vision pragmatique de l’avenir, équilibrant ambition nationale et ouverture internationale, tout en tirant parti des leçons du passé pour anticiper les défis à venir.
Il s’agit d’un moment charnière qui démontre comment le souvenir d’une victoire vieille de huit décennies peut se transformer en tremplin pour un partenariat transcontinental, écrit conjointement par le Maroc et la Chine, avec les lettres du respect mutuel et de la coopération, dans une époque où la place des nations se mesure à leur capacité à bâtir des alliances intelligentes et porteuses d’avenir.