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Le pari du retour par Gaza… Comment Al-Adl Wal-Ihsane tente de raviver son héritage protestataire en ressassant l’illusion de la force ?

ALDAR / Sara Loukili

Depuis le coup dur qu’a subi le mouvement Al-Adl Wal-Ihsane à la suite de l’échec de ce qu’il avait appelé “Al-Qawma” en 2006, il tente désespérément de trouver une porte de sortie pour réintégrer la sphère de l’action politique et de terrain. Mais des années de repli et de recul ont érodé sa présence et lui ont fait perdre une grande partie de l’élan sur lequel il misait dans la rue. Aujourd’hui, le mouvement voit dans la tragédie de Gaza une nouvelle occasion de tester sa capacité à se repositionner, en exploitant l’élan massif de solidarité populaire avec la cause palestinienne, pour redorer son image et faire croire à l’opinion publique qu’il détient encore les clés de la mobilisation de masse.

Cependant, une lecture attentive de cette démarche révèle qu’il ne s’agit guère plus que d’une tentative de masquer une crise plus profonde, liée à l’absence d’un véritable projet politique ou d’une vision réformatrice cohérente. Comme la plupart des courants de l’islam politique dans la région, le mouvement demeure prisonnier d’un discours idéalisé, misant sur des slogans intemporels et universels tels que le rêve du “retour du califat” ou la “disparition d’Israël” formulée par le Cheikh Ahmed Yassine à une époque différente, et qui est aujourd’hui devenue un outil servant à alimenter un discours mobilisateur dépourvu de tout plan concret ou d’horizon stratégique. Ces slogans, malgré leur force symbolique, se rapprochent désormais davantage d’un produit de consommation émotionnelle que d’un projet politique réalisable.

Ce qui est encore plus évident, c’est que le mouvement, après avoir échoué à provoquer un changement interne ou à renverser le régime comme il l’espérait, cherche aujourd’hui des causes extérieures à forte charge symbolique pour maintenir sa présence dans la conscience collective, même si cette présence repose sur la répétition d’un discours de “résistance” qui a perdu une grande partie de sa crédibilité dans le contexte arabe. En ce sens, Gaza n’est pas pour lui uniquement une cause humanitaire ou une position de principe, mais une plateforme pour reconstruire une légitimité perdue et une opportunité d’ouvrir des fronts de surenchère vis-à-vis de ses rivaux au sein du courant islamiste, au premier rang desquels figure le Parti de la Justice et du Développement, qui traverse lui aussi une crise de confiance avec sa base.

Le véritable problème, cependant, est que cette stratégie, aussi intelligente qu’elle puisse paraître à court terme, porte en elle les germes de l’échec à long terme. Le public marocain, devenu plus conscient et politiquement mature, ne se contente plus de slogans et ne répond plus aussi facilement aux discours de mobilisation émotionnelle. De plus, la capacité réelle du mouvement à influencer dépend de ses positions internes et de sa crédibilité à proposer des alternatives concrètes, et non pas simplement de l’exploitation de tragédies extérieures. Au final, Al-Adl Wal-Ihsane pourra peut-être regagner temporairement un peu de visibilité, mais il risque de répéter les mêmes erreurs qui l’ont écarté de la scène depuis deux décennies, en préférant la surenchère à la réforme, et les slogans aux projets.

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