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Benkirane et la reproduction de la tutelle sur les femmes : un discours traditionnel drapé de légitimité religieuse

Par Imane Alaoui – ALDAR

Dans une déclaration qui a suscité une vive controverse, Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la Justice et du Développement (PJD), a tenté de justifier ses propos antérieurs sur les femmes, lors d’une nouvelle intervention prononcée à Agadir, le lundi 14 juillet 2025. Il y a affirmé que « l’éducation est un droit légitime pour la femme » et qu’« il est inadmissible de l’en priver ». Il a ajouté que le Maroc, depuis son indépendance, a connu une large ouverture en faveur de l’emploi féminin dans les secteurs public et privé, précisant que les femmes ont la liberté de choisir « dans les limites de ce sur quoi nous sommes tous d’accord, dans le cadre de la charia et de la loi ».

Ce discours, par lequel Benkirane voulait réfuter les accusations d’hostilité aux droits des femmes, s’est en réalité avéré être une redite des anciens schémas qui enferment la liberté des femmes dans un cadre étroit, dicté par des interprétations sélectives de la religion, sans offrir de vision réformatrice claire ni de véritable engagement pour leur autonomisation. Car même en prétendant défendre le droit des femmes à l’éducation, le fait d’en conditionner l’exercice à un prétendu consensus « légitime » revient à reproduire la logique patriarcale, où le droit est octroyé sous réserve qu’il soit exercé dans des limites prédéfinies par des références religieuses ou politiques — et non dans le cadre d’un projet de société fondé sur l’égalité.

Ce que Benkirane n’a pas dit est encore plus révélateur que ce qu’il a déclaré. Il n’a pas évoqué la réalité des filles vivant dans les zones marginalisées, ni les taux alarmants de décrochage scolaire parmi les filles, ni les obstacles culturels et économiques qui entravent l’accès des femmes à l’enseignement supérieur et à la formation professionnelle. Il est resté silencieux sur l’absence de représentation équitable des femmes dans les instances décisionnelles du système éducatif. Aucun plan d’action concret pour réformer l’école dans une perspective d’égalité des chances n’a été proposé. À la place, il a préféré un discours symbolique destiné à flatter sa base conservatrice, tout en s’érigeant en « modéré ouvert ».

Ce type de discours est en décalage avec les mutations profondes que connaît la société marocaine, où les femmes réclament désormais la pleine reconnaissance de leurs droits, et non simplement qu’on leur « permette » d’exercer ce qui leur revient de droit, tant sur le plan constitutionnel qu’humain. Lorsque le droit à l’éducation est présenté uniquement comme un droit « légitime » (religieux), il est vidé de sa substance juridique et universelle, devenant un privilège conditionnel au lieu d’un fondement de la citoyenneté.

La femme marocaine d’aujourd’hui n’a pas besoin qu’on lui rappelle ce qui lui est « permis », mais qu’on soutienne pleinement son émancipation de toutes les formes de tutelle, qu’elles soient politiques ou idéologiques. Benkirane, quant à lui, semble avoir une fois de plus choisi de rester prisonnier d’une pensée dépassée, même lorsqu’il tente de se présenter comme une voix de raison dans un temps de changement.

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