
ALDAR / Iman Al-Aloui
La scène politique et intellectuelle syrienne connaît une dynamique nouvelle traduisant une évolution notable dans la perception d’un nombre croissant d’intellectuels et de chercheurs syriens à l’égard de la question du Sahara marocain. Des appels, sans précédent par leur intensité, sont adressés aux décideurs à Damas pour adopter une position claire et ferme en faveur de la souveraineté complète du Maroc sur ses provinces du sud et pour classer le Front Polisario comme une organisation séparatiste recourant à des activités de nature terroriste transfrontalière, représentant ainsi une menace réelle pour la sécurité nationale arabe.
Ces revendications ne relèvent ni d’un simple élan émotionnel ni d’une solidarité diplomatique traditionnelle. Elles s’appuient sur des analyses approfondies publiées par des centres de recherche syriens réputés, notamment le Centre de Damas pour les études et la recherche « Madad », qui a alerté à plusieurs reprises, depuis 2022, sur les risques croissants liés à l’expansion incontrôlée du Polisario dans la région du Sahel et du Sahara. Ces rapports ont également mis en lumière la collusion de certains éléments du mouvement séparatiste avec des groupes extrémistes tels qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique et l’État islamique. Ces constats recoupent des rapports de renseignement africains et occidentaux établissant l’implication du Polisario dans des réseaux de trafic d’armes, de drogue et d’êtres humains, exploitant la fragilité géopolitique de la région pour nouer des alliances obscures avec des factions armées hors-la-loi.
Plusieurs analystes syriens influents, à l’instar du Dr Marwan Qabalan, ont souligné lors d’interventions publiques que la politique étrangère syrienne, en pleine reconfiguration après plus d’une décennie de conflit interne, se devait de rompre avec les alignements idéologiques obsolètes hérités de la guerre froide, période durant laquelle le Polisario était perçu comme une composante des « mouvements de libération ». Selon eux, la réalité géopolitique a profondément changé, et le silence persistant de la Syrie face aux agissements du Front dans les zones de conflit ne sert ni ses intérêts stratégiques, ni la solidarité arabe unitaire.
Dans le même registre, l’écrivain syrien renommé Ali Wajih a suscité un vaste débat en déclarant dans une publication : « Il est temps de se libérer des positions ambiguës et de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara, conformément aux principes authentiques du nationalisme arabe, et non à ses slogans dépassés. » Il a également affirmé que « garder le silence face à une organisation séparatiste opérant dans un réseau régional transfrontalier basé sur la violence et les menaces revient, moralement, à fermer les yeux sur les agissements de Daech à ses débuts ».
Ce mouvement intellectuel et politique syrien coïncide avec le retour progressif de la Syrie dans le giron arabe, sous la direction du président Ahmad Al-Sharaa. Dans ce contexte, une reconnaissance par Damas de la marocanité du Sahara serait perçue comme une étape stratégique vers un véritable renforcement de la solidarité arabe et un tournant majeur dans les relations entre le Maghreb et le Machrek. Il convient de rappeler que le Maroc a toujours soutenu l’unité et la stabilité de la Syrie et s’est tenu à l’écart des jeux d’alignements régionaux pendant la crise syrienne.
Les analyses en provenance de Damas indiquent que le coût politique d’une telle reconnaissance est aujourd’hui bien inférieur à celui d’un maintien dans une neutralité stérile, surtout dans un contexte de consolidation du partenariat maroco-golfe et d’adhésion croissante de la majorité des pays arabes et africains à l’initiative d’autonomie proposée par Rabat comme solution réaliste au conflit. De plus, classer le Polisario comme entité terroriste apparaît désormais comme une nécessité régionale pressante, étant donné son implication dans des circuits de criminalité transnationale et sa transformation en acteur déstabilisateur au sein de l’espace sahélo-saharien, ce qui devrait sérieusement alerter Damas avant que la menace ne s’étende à l’ensemble du monde arabe.
L’appel des intellectuels syriens ne traduit donc pas seulement un élan de solidarité, mais une prise de conscience stratégique de l’importance de repositionner la Syrie dans les grands dossiers liés à la souveraineté arabe, et de rejeter toutes les formes de partition et de séparatisme soutenues par des forces extérieures. La question reste désormais posée : Damas écoutera-t-elle la voix de la raison ?