
ALDAR / Analyse
Depuis plusieurs années, le Maroc a fait le choix clair d’un État de droit et d’institutions fortes, en adoptant des lois précises visant à protéger la dignité des individus et à garantir l’égalité devant la justice. Ce cap est incontestable et a été renforcé par la Constitution de 2011, qui consacre les libertés individuelles et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Cependant, l’enjeu réel demeure dans l’application équitable de ces lois, notamment lorsqu’il s’agit de figures politiques influentes comme Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la Justice et du Développement (PJD).
À plusieurs reprises, Benkirane a tenu des propos comportant des termes durs à l’égard de ses adversaires politiques, voire parfois envers des institutions ou des catégories sociales. Si de tels propos avaient été émis par un citoyen lambda, ils auraient sans doute été qualifiés d’injure ou de diffamation, et auraient pu entraîner l’ouverture d’une procédure judiciaire. Le Code pénal marocain est pourtant clair : il criminalise la diffamation et l’injure, et prévoit des peines d’emprisonnement ou des amendes selon les articles 366 et 368. Alors, pourquoi ces lois ne sont-elles pas appliquées contre ceux qui utilisent leur position politique pour proférer des attaques verbales ?
Cette interrogation ne remet pas en cause la solidité de l’État marocain ni la volonté de ses institutions, mais elle constitue un appel franc à incarner pleinement le principe d’égalité devant la loi. Lorsqu’un citoyen constate que la loi s’applique strictement à lui, tandis que l’on ferme les yeux sur les abus de ceux qui détiennent le pouvoir, sa confiance dans la justice s’effrite et il a le sentiment que la dignité individuelle n’est pas protégée de manière équitable.
Le Maroc ne manque pas de textes juridiques ; au contraire, il dispose d’un arsenal législatif avancé, souvent en avance sur d’autres pays de la région. Ce qu’il lui faut aujourd’hui, c’est une mise en œuvre équilibrée et impartiale de ces lois, sans considération pour le statut ou l’appartenance politique. Si Abdelilah Benkirane a franchi les limites de la liberté d’expression, seule la loi devrait en décider, et non l’opinion publique ou les calculs politiques.
Dans un véritable État de droit, il ne saurait y avoir d’immunité pour les discours d’humiliation, ni de raison valable pour exempter quiconque de rendre des comptes. Puisque le Maroc a choisi la voie de la justice, la force de ce choix réside dans la capacité à appliquer la loi à tous, selon les mêmes standards. C’est cela, et cela seulement, qui renforce la confiance des citoyens et concrétise l’État des institutions auquel nous aspirons collectivement.