Malgré l’étendue de la côte marocaine sur environ 3500 km et des élevages marins déjà entamés dans les années 50, l’aquaculture au Maroc peine toujours à se lancer au moment où de réelles potentialités se présentent et en même temps des défis restent à relever.
Avec un potentiel évalué à quelque 380.000 tonnes, l’aquaculture est une activité complémentaire au secteur des pêches à même de contribuer à soulager la pression sur la ressource halieutique et à garantir la sécurité alimentaire. Cependant la production annuelle ne dépasse pas les 900 tonnes, dont 423 T d’huîtres, 273 T d’algues et 169 de loup-bar (chiffres de 2019), bien en deçà des potentialités et des atouts dont regorge le Royaume et en dépit des mesures et stratégies mises en place en la matière.
En effet, la filière compte une vingtaine de fermes aquacoles actives dominées par l’activité ostréicole qui est localisée dans les zones abritées (baie de Dakhla et lagune de Oualidia).
En plus des potentialités naturelles en termes de diversité de zones favorables pouvant abriter des activités aquacoles (les lagunes, les baies, la pleine mer ou les zones basses en bordure de mer) et de capital humain disponible et qualifié, le Maroc dispose d’atouts stratégiques pour développer le secteur aquacole, souligne un rapport de la Direction des études et des prévisions financières (DEPF).
Ainsi, les accords commerciaux permettant aux produits marocains un accès privilégié aux marchés demandeurs ainsi que la proximité des marchés demandeurs sont autant d’éléments qui offrent un climat des affaires favorable au développement de cette activité, relève l’étude intitulée « Aquaculture marine marocaine: Potentiel et nécessités de développement ».
De même, la consommation nationale des produits de la pêche et de l’aquaculture est en évolution permanente, du fait de l’important accroissement démographique que connaît le Royaume et des changements des modes de consommation, le développement significatif du tourisme, le déploiement de la grande distribution sur l’ensemble du territoire marocain et le développement des infrastructures de pêche.
Il y a également lieu de souligner que la stratégie Halieutis, lancée en 2009, a insufflé une réelle dynamique au secteur halieutique national dans toutes ses composantes et a contribué à le hisser au rang des secteurs stratégiques de l’économie nationale. C’est aussi grâce à cette stratégie que le secteur aquacole s’est vu pour la première fois érigé parmi les projets prioritaires du Royaume et doté d’une Agence nationale de développement de l’aquaculture (ANDA).
Ce potentiel laisse évidemment présager des perspectives prometteuses de développement du secteur aquacole marocain aussi bien au niveau national qu’international. Or, cette filière à forte valeur ajoutée demeure généralement peu développée comparativement à d’autres pays de la région comme la Tunisie, l’Espagne et la Turquie, en raison des contraintes qui subsistent encore et risquent d’entraver la croissance du secteur.
Ahmed El Bain, responsable Qualité dans un parc aquacole à Oualidia, estime que la faible demande en produits aquacoles et les problèmes de commercialisation sont parmi les principaux obstacles au développement de cette activité dans cette région connue pour ses parcs ostréicoles.
Le changement des conditions physico-chimiques dans la lagune, l’élévation de la température des eaux et le taux de mortalité relativement élevé des naissains d’huîtres constituent aussi une source de préoccupation pour les éleveurs dans cette zone classée B, a précisé M. El Bain.
Il a dans ce sens jugé nécessaire de veiller à la préservation de ce complexe lagunaire à haute valeur écologique, contre la pollution et le changement climatique.
Concernant les naissains, notre interlocuteur a noté qu’ils proviennent exclusivement de l’exportation et précisément de la région d’Arcachon en France. Ce qui recèle une quasi-dépendance de cette filière vis-à-vis de l’étranger.
Originaire et en bon connaisseur de la région de Oualidia, M. El Bain a relevé aussi que cette activité a un fort impact social. Outre les éleveurs propriétaires et les employés des parcs aquacoles, plusieurs autres riverains en tirent profit à l’instar des petits vendeurs ambulants qui sillonnent la plage à la recherche de leur pain quotidien, a-t-il dit.
Malheureusement, a-t-il regretté, la crise sanitaire actuelle a compliqué la situation de cette filière, notamment en cette période censée booster nos chiffres d’affaires, notant à cet égard que pour faire face à cette conjoncture difficile, le parc aquacole dont il assure la gestion et qui produit essentiellement des huîtres et des moules s’est lancé sur les réseaux sociaux pour pallier à la chute de la demande et des arrivées touristiques.
D’autres obstacles entravent le développement du secteur notamment le financement sachant que l’aquaculture fait appel à des investissements importants aussi bien pour les besoins d’exploitation que pour les structures d’élevage, d’où le besoin de mettre en place d’avantages de mesures incitatives pour encourager l’investissement dans cette activité, jugée rentable par les professionnels.
Il s’agit aussi d’autres vulnérabilités liées surtout à la faible taille des entreprises aquacoles en raison du caractère artisanal ou familial des unités de production et du coût élevé des assurances qui visent à couvrir la mortalité du cheptel aquacole suite aux événements pathologiques et météorologiques et autres dommages causés aux installations et équipements.
Pour faire face à cette situation, la Cour des comptes avait mis l’accent, dans son rapport annuel de 2018, sur la nécessité d’accélérer l’adoption du code de l’aquaculture et d’instaurer des mesures fiscales et douanières incitatives pour faciliter l’accès aux intrants aquacoles. Il s’agit aussi d’accompagner les investisseurs par un appui technique et financier, dans le but de rattraper le retard pris dans le développement de l’aquaculture pour réduire la pression sur les ressources halieutiques…
Parmi les mesures incitatives concrétisées figure la prorogation de la mesure relative à l’application du droit d’importation minimum de 2,5 % sur les aliments pour poissons pour une période supplémentaire de 6 ans à compter de janvier 2018, en attendant d’autres actions d’ordre foncier et fiscal. Le développement d’une aquaculture commerciale exige aussi de développer et d’investir dans la recherche scientifique et l’innovation tout en s’alignant sur les standards internationaux…
Jouissant d’une ferme volonté politique, le secteur de l’aquaculture constitue un levier important de développement socio-économique des territoires et de création de richesse et d’emploi qu’il s’agit d’activer afin de tirer parti des perspectives prometteuses qui se dessinent à l’horizon.