La généralisation de l’assurance maladie obligatoire (AMO) de base est tributaire du développement de l’hôpital public en tant que levier majeur de ce système d’assurance et de la mise à disposition des fournitures nécessaires, notamment la mise à jour de la liste des prestations médicales et leurs tarifs de référence et la réforme du système des médicaments et des fournitures médicales, a indiqué, mardi, le Premier Président de la Cour des comptes, Zineb El Adaoui.
S’exprimant lors d’une session plénière conjointe des deux Chambres du Parlement consacrée à la présentation d’un exposé sur les actions de la Cour des comptes pour l’année 2021, Mme El Adaoui a souligné l’importance de poursuivre les efforts pour développer l’offre de soins dans sa globalité, que ce soit au niveau des structures hospitalières ou des ressources humaines et des équipements médicaux, afin d’améliorer la qualité des services de santé dans le secteur public.
Le renforcement de la protection sociale dans le Royaume a connu un développement remarquable au cours des deux dernières décennies, a-t-elle observé, considérant que malgré cela, il représente encore un défi qui doit être relevé, que ce soit en termes d’étendue, de contenu, de financement ou de gouvernance.
Selon Mme El Adaoui, l’élargissement de la base des bénéficiaires de l’AMO a connu une évolution notable depuis la signature, le 14 avril 2021, de trois conventions-cadres par les différents départements ministériels concernés, afin d’élargir cette assurance à des catégories non bénéficiaires dont le nombre avoisine les 3 millions d’adhérents principaux.
S’agissant du cadre légal, le premier Président de la Cour des comptes a passé en revue certaines des procédures légales accompagnant les chantiers de généralisation de la protection sociale, dont l’amendement de la loi n° 98-15 relative au régime de l’assurance maladie obligatoire de base pour les catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non salariées exerçant une activité libérale ainsi que la loi n° 27.22 qui vise à élargir le régime d’assurance maladie obligatoire de base aux personnes bénéficiant du Régime d’assistance médicale (RAMED), faisant observer qu’en dépit du renforcement continu du système juridique, certains textes ou amendements importants connaissant des retards d’adoption.
Pour ce qui est du financement de la couverture médicale, Mme El Adaoui a relevé que la viabilité et la pérennité des aspects liés à ce financement sont d’une grande importance, appelant à l’adoption de mécanismes de financement à même d’assurer la viabilité et la continuité de l’AMO de base, et à faire bénéficier l’assuré d’une contribution appropriée pour couvrir les frais des traitements.
Le Premier Président de la Cour des comptes a également indiqué que le développement des ressources humaines pour le secteur de la santé constitue l’un des principaux axes de la réforme du système de protection sociale dans le Royaume, y voyant le principal pilier pour le développement de l’offre de santé et l’amélioration des services, répondant ainsi aux besoins des citoyens.
Dans le même contexte, elle a précisé que le nombre total des agents de santé pour 10.000 habitants est passé de 15,1 en 2011 à 17,1 en 2021, soit une légère augmentation de deux points, expliquant que la densité médicale, en particulier dans le secteur privé, a relativement augmenté (1,3% entre 2011 et 2020), tandis que la densité médicale dans le secteur public a diminué de 0,3 point.
La répartition géographique et professionnelle des personnels médicaux et soignants ne repose pas toujours sur des critères objectifs, a fait remarquer Mme El Adaoui, notant que cette situation a conduit à des disparités territoriales et à des écarts au niveau de la couverture de la population et des réseaux de traitement, ainsi qu’à une faible compatibilité entre les infrastructures et les ressources humaines qui y sont affectées.
Et de préciser qu’une couverture sanitaire adéquate pour la population reste tributaire de la capacité du système de formation des agents de santé, dans les secteurs public et privé, à maintenir le rythme actuel de la formation des personnels et à les retenir dans le système national de santé.
S’agissant des ressources humaines dans le secteur de l’enseignement, la responsable a relevé que la mobilité reste un facteur d’instabilité pédagogique dans les établissements scolaires, soulignant qu’au titre des années 2019, 2020 et 202, près de 53.683 enseignants ont bénéficié de la mobilité, soit 63% du nombre total des enseignants cadres des Académies.
Cette situation contribue à l’instabilité pédagogique au niveau de beaucoup d’établissements qui connaissent un taux de mobilité important, si bien que parfois la durée du travail des enseignants n’y dépasse guère un an, a fait remarquer Mme El Adaoui, notant que le mouvement de mobilité concerne principalement les zones rurales, notamment les établissements scolaires du primaire, dont les enseignants représentent 64% des bénéficiaires dudit mouvement.
Cette situation serait due, selon la responsable, à l’échec de l’atteinte des objectifs d’emploi direct et décentralisé au niveau des Académies, l’analyse des résultats du mouvement de mutation ayant montré qu’un grand nombre des cadres des Académies ont obtenu leur transfert au cours de la première année de leur affectation, ce qui contredit l’objectif initial du processus de recrutement au niveau de l’Académie.
S’agissant de l’encadrement pédagogique des enseignants, Mme El Adaoui a noté que le ratio national a atteint 120 enseignants pour chaque inspecteur, notant que ce ratio varie selon les régions, les provinces et les branches.
Au cours de l’année académique 2020-2021, dans le cycle secondaire qualifiant, a-t-elle dit, ce ratio a atteint un inspecteur pour 1.094 enseignants au niveau de l’Académie de l’Est qui ne compte que quatre inspecteurs, contre un inspecteur pour 584 enseignants au niveau de l’Académie de la région de Rabat-Sale-Kénitra.
Selon Mme El Adaoui, le taux d’encadrement des inspecteurs ne cesse de s’aggraver en raison de l’augmentation des effectifs enseignants depuis 2016 et de la diversification des missions du corps de l’inspection pédagogique, les missions administratives ayant tendance à prendre le dessus sur les missions pédagogiques. S’y ajoute la fermeture du centre national de formation des inspecteurs de l’académie pendant une décennie (1999 et 2009).
Le Premier président de la Cour des Comptes a enregistré une amélioration au niveau national en matière d’encadrement pédagogique des élèves, notant, dans ce sens que le nombre d’élèves pour chaque enseignant est passé de 28 élèves par enseignant au cours de l’année scolaire 2016-2017 à 25 élèves au cours de l’année scolaire 2020-2021, mais avec des écarts importants entre les cycles, les académies, les régions et les provinces.
Sur le plan organisationnel, Mme El Adaoui a noté que les structures de gestion des ressources humaines font face à plusieurs contraintes qui affectent négativement la rentabilité et l’efficacité de ces ressources, en voulant pour causes la centralisation des décisions, la multiplicité des parties prenantes dans la gestion des ressources humaines et l’absence d’un système d’information intégré capable de fournir des informations fiables, complètes et opportunes.
A cet égard, elle a recommandé l’octroi d’une plus grande autonomie aux académies en matière de gestion des ressources humaines, en déléguant certaines tâches liées au recrutement et aux affectations, en assurant que le suivi et l’évaluation se déroulent dans le cadre de contrats-programmes indiquant clairement le calendrier et les résultats escomptés.
De l’avis de Mme El Adaoui, la délégation de certaines compétences aux directeurs des établissements d’enseignement dans le cadre d’une relation contractuelle et la révision des mécanismes d’évaluation pédagogique ou administrative permettront d’atteindre les résultats et l’efficacité pédagogique et de gestion.
Pour elle, pallier les lacunes constatées passe nécessairement par la mise en place de bases solides et claires pour assurer une répartition équilibrée et optimale des enseignants entre les académies, les directions régionales et les écoles, ainsi que par la révision du dispositif encadrant le mouvement de mobilité de manière à préserver la stabilité pédagogique des établissements scolaires.