Connue pour ses paysages somptueux et ses constructions en pisé, Zaouiat Tanaghmelt dans la commune Aït Taguella (province d’Azilal), témoigne d’un patrimoine architectural authentique qui caractérise les zones montagneuses du Maroc et qui a besoin aujourd’hui d’être valorisé et mis en avant en vue de renforcer sa contribution au développement du tourisme culturel au niveau local.
À huit kilomètres des célèbres chutes d’Ouzoud, entre hautes collines, montagnes, cascades et sources d’eau fraîche et éclatante qui transpercent le paysage, se dresse majestueusement Zaouiat Tanaghmelt qui fut construite au 7ème siècle par Abou Imrane Moussa Ben Yaacoub Al Bouguemazi. Tout autour de cet édifice religieux, un petit village de montagne, au charme traditionnel et au cachet architectural unique, a pris forme avec des maisons en pisé superposées, plaquées les unes contre les autres du pied de la colline au sommet de la montagne et aux toitures en bois et aux murs en terre-paille, de ciment et de la chaux.
Cette cité où tout respire la culture et l’art berbères est constituée d’une petite communauté de près de 100 familles. Elle est connue pour ses sources d’eau dont dépendent les habitants de cette localité dans leur vie quotidienne, pour irriguer les vergers et les petites exploitations agricoles célèbres pour leurs cultures et arbres fruitiers, notamment les grenadiers, figuiers et les oliviers.
Ce qui fait également la renommée de Zaouiat Tanaghmelt, c’est son Hammam traditionnel (bain maure) qui continue depuis des siècles à offrir ses services gracieusement aux habitants du village suivant une organisation et des coutumes tribales ancestrales. Selon un système de rotation, chaque famille du village assume une fois tous les trois mois, la tâche de chauffer le Hammam au profit de l’ensemble des habitants de Tanaghmelt, hommes et femmes.
Le long de plusieurs décennies, Zaouiat Tanaghmelt, connue aussi pour sa mosquée historique classée patrimoine national et sa bibliothèque qui abritait une précieuse collection de livres de Fikh, de philosophie, des sciences et de soufisme, a joué un rôle important dans les domaines religieux, scientifique et éducatif, favorisant les sédentarisation des habitants de cette localité et l’affluence des différentes régions du pays, d’étudiants avides d’apprendre et d’approfondir leurs connaissances en sciences religieuses.
Zaouiat Tanaghmelt a toujours été la scène d’activités culturelles, artistiques, sociales et économiques. Les saisons estivales et religieuses ayant en tout temps constitué une occasion de fête pour la population locale et les tribus voisines, notamment Aït Attab, Aït Bouguemez et Antifa qui s’y rendaient en masse, munies de leurs récoltes et accompagnées de leurs troupes musicales locales « Ahwach », « Abidat Rma », et de leurs poètes les plus talentueux pour apporter joie et bonheur à ce lieu chargé d’histoire et de beauté.
De plus, ces périples participaient à stimuler et à dynamiser l’économie locale et étaient l’occasion pour les villageoises d’écouler leurs produits textiles, notamment des tapis et des tissus confectionnés en laine pure, et aux agriculteurs de faire découvrir le résultat de leur dur labeur aux visiteurs.
Quoique très cyclique, la dynamique que connaissait Zaouiat Tanaghmelt favorisait la sédentarisation de la population et assurait les conditions d’une stabilité sociale et humaine.
Cependant, la situation actuelle de ce village tranche nettement avec la dynamique d’antan. Plusieurs habitants ont quitté la cité pour s’installer ailleurs faisant en sorte que Zaouiat Tanaghmelt compte aujourd’hui une communauté d’à peine quelque 600 âmes et qui souffre de multiples contraintes.
Cet exode continu des habitants a impacté le rayonnement culturel, social et touristique de Zaouiat Tanaghmelt dont les murs de plusieurs de ses constructions et bâtisses laissées à l’abandon présentent de grandes fissures faute d’entretien.
Le village pâtit également de l’enclavement, de la précarité et de la faiblesse de ses infrastructures mais aussi de la difficulté d’accès à cause de ses pistes et chemins accidentés.
Ceci a précipité le déclin économique, culturel et touristique de ce village historique. Seules quelques activités agricoles de subsistance et d’artisanat portées par certaines associations qui se démènent encore pour continuer d’exister à l’instar de la coopérative féminine « Ifsir » de confection des tapis traditionnels. Cette coopérative est d’ailleurs le seul refuge des femmes de Zaouiat Tanaghmelt qui cherchent à rompre l’état de marginalisation et à contribuer à l’essor économique et social du village, à travers la commercialisation de leurs produits locaux.
Pour toutes ces raisons, le président de l’Association Tanaghmelt pour le développement local, Mohamed Hicham, a mis en garde dans une déclaration à M24, la chaîne d’information en continu de l’agence marocaine de presse (MAP) contre la situation d’abandon que connait ce village, appelant à la réhabilitation de cette cité historique et à améliorer son attractivité culturelle et touristique dans le cadre d’une vision qui tienne compte de ses spécificités sociales et humaines et ses caractéristiques architecturales.
À cet égard, M. Hicham a souligné la nécessité de réhabiliter Zaouiat Tanaghmelt, de rouvrir sa bibliothèque aux chercheurs qui souhaitent s’informer de son histoire et de son patrimoine et de développer les infrastructures pour y faciliter l’accès afin de stimuler le tourisme, l’activité culturelle et la dynamique économique et du développement local.
Pour sa part, le président de la commune d’Aït Taguella, Mohamed Oulmir, a indiqué que la région recèle d’importants sites touristiques comme les cascades d’Ouzoud et Zaouiat Tanaghmelt et qu’il est nécessaire de la valoriser en vue d’améliorer son attractivité territoriale.
De par sa position géographique, sa nature, son cachet architectural berbère et son patrimoine religieux et culturel ancestral, Zaouiat Tanaghmelt a participé à travers le rôle essentiel qu’elle a joué au fil de plusieurs décennies dans le domaine culturel, religieux, économique et social au développement de la région et à créer les conditions de sédentarisation de la population le long de quatre siècles. Toutefois plusieurs contraintes entravent son intégration dans le cycle du développement local, la condamnent à l’abandon et poussent sa population à l’exode!