Des économistes ont mis en garde contre l’impact négatif de la dernière hausse du taux directeur par la Banque du Canada. La banque centrale du Canada a annoncé mercredi une hausse de 0,25 % de son taux directeur, ce qui le porte à 4,5 %.
“Il arrive un moment donné dans le cycle économique où chaque hausse marginale a un effet qui n’est plus linéaire. C’est beaucoup plus sérieux, c’est comme la goutte qui fait déborder le vase”, a souligné l’économiste en chef et stratège à la Banque Nationale Stéfane Marion dans une déclaration à Radio Canada. “Prendre une pause, c’était une police d’assurance. La hausse supplémentaire, c’est prendre un risque supplémentaire pour le cycle économique, c’est un risque de faire culbuter l’économie, surtout lorsqu’on ne voit pas un pas devant soi à cause du brouillard géopolitique”, a ajouté Marion.
“On a tardé à monter les taux en 2021, et là, on y va tous azimuts, sans considérer le fait que les autres banques centrales ont agi de la même façon”, a relevé l’économiste. Dans plusieurs ménages, notamment les emprunteurs, l’effet de la hausse du taux directeur est brutal. Pour une hypothèque de 400.000 dollars avec un amortissement sur 25 ans, la hausse mensuelle est tout près de 900 dollars.
Avec plus d’argent alloué aux emprunts, les ménages risquent de dépenser moins ailleurs, ce qui pourrait provoquer une cascade d’effets et un ralentissement économique ou une récession. Ces inquiétudes rejoignent aussi celles de l’économiste chez Deloitte, Mario Lacobacci, qui craint l’effet de toutes ces hausses sur les ménages.
“Le problème dans tout cela, c’est qu’on n’a pas encore vu l’impact des hausses déjà mises en place de presque 400 points. Ce sont les hausses les plus rapides. Elles vont faire très mal aux ménages canadiens, parce qu’ils sont très endettés”, a indiqué Lacobacci. “Ça va aller en empirant, car il y aura de plus en plus de ménages qui font face au renouvellement de leur hypothèque. Ça va mener à une baisse de la consommation. C’est sûr que 25 points ne va pas changer la donne. Mais le gros du dommage a déjà été fait”, a-t-il ajouté.
Selon Guillaume Hébert, économiste à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), les politiques de la Banque du Canada ont paradoxalement un effet inverse que celui souhaité. “Ce qui a le plus poussé l’IPC [l’indice des prix à la consommation] en 2022, si on exclut le mazout et le gaz naturel, c’est le coût de l’intérêt hypothécaire. On est dans une drôle de situation actuellement où une des choses qui contribuent le plus à l’inflation, ce sont les hausses des taux d’intérêt de la Banque du Canada qui cherche à se battre contre l’inflation”, a noté Hébert.
Le chercheur rappelle que la Banque du Canada a une incidence seulement sur la demande, alors que les problèmes majeurs qui expliquent l’inflation sont reliés à l’offre et à la chaîne d’approvisionnement fortement endommagée par la pandémie. “La Banque du Canada n’a pas les outils nécessaires pour agir sur les causes de l’inflation ici ou ailleurs. Il aurait fallu travailler par d’autres moyens que par la politique monétaire”, a-t-il estimé.
De toute façon, selon lui, la banque centrale envoie le mauvais message aux consommateurs, car l’inflation est déjà en repli. Sur trois mois, en excluant le coût des hypothèques, l’essence et les aliments, l’inflation a plutôt été de 2,4%. Sur un an, elle a toutefois monté de 6,3% en décembre dernier, en baisse de 0,5% par rapport à novembre.
ALdar : LA MAP