« Rinascimento » italien contre « reconquista » espagnole: la demi-finale de l’Euro entre l’Italie de Roberto Mancini et l’Espagne de Luis Enrique, mardi (21h00) à Londres, consacre la renaissance par le jeu de deux grandes nations du football dont l’étoile avait bien pâli.
Pour les bookmakers et nombre d’experts, l’affiche aurait dû être tout autre: cette première demi-finale à Wembley était promise à un France-Belgique aux allures de revanche du Mondial-2018 voire de « finale avant la lettre ».
Mais la France a chuté en huitième, et la Belgique en quart contre l’Italie (2-1). Et sur la mythique pelouse londonienne, où va désormais s’écrire l’histoire jusqu’à dimanche, s’avancent deux trouble-fête inattendus, un peu disparus des radars: l’Espagne sortie de piste dès les huitièmes de finale au Mondial-2018 et l’Italie condamnée à regarder la dernière Coupe du monde de son canapé, pour la première fois depuis 60 ans.
A l’origine de ce retour de flamme, deux sélectionneurs arrivés en 2018. L’un, Roberto Mancini, 56 ans, a révolutionné le jeu d’une Italie dévastée par l’échec en barrage de qualifications, après avoir chuté dans le groupe face aux Espagnols. L’autre, Luis Enrique, 51 ans, a redonné une âme à une « Roja » un peu usée.
Les promesses de renouveau étaient là, restaient à les confirmer pendant l’Euro.
L’Espagne a souffert au début avec deux nuls (Suède et Pologne). Mais la franche victoire contre la Slovaquie (5-0) a libéré les têtes.
La « Roja » a depuis affiché de belles ressources, à défaut d’un jeu flamboyant, pour écarter la Croatie (5-3 a.p.) puis la Suisse (1-1 a.p., 3-1 aux tirs au but), dans le sillage de l’avant-centre de la Juventus Alvaro Morata.
« Cette sélection a réussi l’impossible: redonner espoir à toute l’Espagne et la faire rêver d’atteindre ce qui paraissait inatteignable », a salué samedi Emilio Contreras, directeur adjoint du quotidien sportif Marca, se prenant à rêver d’un quatrième titre continental, le troisième en quatre éditions après les sacres de 2008 et 2012.
« Ce projet était pensé pour le Qatar (Mondial-2022), mais on regarde déjà les grandes nations les yeux dans les yeux », s’est félicité Luis Rubiales, le président de la fédération espagnole.
L’Italie, en dépit de qualifications parfaites (10 victoires en 10 matches), suscitait des réserves sur sa capacité à garder sa fraîcheur nouvelle contre les gros, en raison du peu d’expérience internationale de ses troupes et d’adversaires jusque là moins clinquants.
Cinq victoires au parfum de « nuits magiques » plus tard, les Azzurri ont désormais aussi convaincu l’Italie, et l’Europe, de sa solidité et de son jeu chatoyant. Les tifosi ne l’imaginent plus s’arrêter là, surtout après avoir muselé Kevin De Bruyne et Romelu Lukaku en quart.
« Il y a une envie incroyable, un grand respect des rôles, de l’énergie, de l’amitié entre les joueurs », énumérait, admiratif, l’ex-star de la Nazionale Alessandro Del Piero après la démonstration contre la Belgique.
Ainsi, malgré le gros trou d’air des dernières années, Espagne et Italie ont déjoué les pronostics pour se retrouver, pour la quatrième fois consécutive en phase finale de l’Euro, avant une demi-finale de Ligue des nations programmée en octobre.
En 2008, l’Espagne avait brisé son « plafond de verre » en écartant l’Italie en quart (aux tirs au but), ouvrant une période dorée jusqu’à la finale de l’Euro-2012, ponctuée d’une formidable gifle aux Azzurri (4-0).
En 2016, la Nazionale avait pris sa revanche en huitièmes (2-0).
Entre ces deux sélections renaissantes, aimant posséder le ballon, la bataille du milieu devrait être déterminante, souligne l’Italien Nicolo Barella: « On va essayer de le garder pour ne pas les laisser maîtriser le tempo », a souligné l’Intériste, misant sur les « phénomènes » Jorginho et Marco Verratti pour contrôler les Espagnols Sergio Busquets et Pedri.
L’Italie a perdu le précieux Leonardo Spinazzola (rupture du tendon d’Achille). Emerson, son remplaçant naturel, essaiera d’en profiter pour briller enfin à Londres, après avoir peu joué cette saison avec Chelsea.
Pour Luis Enrique, la seule interrogation concerne l’état de santé de Pablo Sarabia (adducteur droit), buteur contre la Slovaquie et la Croatie. L’attaquant du Paris SG pourrait céder sa place à Dani Olmo ou Mikel Oyarzabal, jeunes symboles d’une Espagne en reconquête.