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La dernière enquête nationale sur le secteur informel, menée entre avril 2023 et mars 2024, a révélé des données précises mettant en lumière la réalité de ce secteur vital pour l’économie marocaine, tout en soulignant son évolution et ses vulnérabilités. Réalisée par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), cette enquête vise à actualiser les données relatives aux unités de production informelles, à mesurer leur contribution à la création de valeur ajoutée et d’emplois, ainsi qu’à identifier les voies de leur intégration dans le tissu économique formel.
Un secteur en expansion, à dominante urbaine et commerciale
En 2023, le nombre d’unités de production informelles a dépassé les deux millions, enregistrant une hausse notable par rapport à 2014. Cette croissance s’est principalement concentrée dans les zones urbaines, Casablanca à elle seule représentant plus de 22 % du total. Le commerce reste l’activité dominante, bien que sa part ait légèrement reculé au profit des services et du bâtiment.
Des activités sans local fixe et une infrastructure limitée
La majorité de ces unités opèrent hors des locaux professionnels traditionnels, beaucoup exerçant leurs activités dans la rue ou à domicile. L’accès aux services d’infrastructure de base, tels que l’eau, l’assainissement ou Internet, demeure faible, surtout pour les unités sans siège fixe ou composées d’un seul travailleur.
Faible enregistrement officiel et intégration administrative limitée
Malgré quelques signes positifs, la grande majorité des unités de production informelles ne sont ni enregistrées officiellement ni assujetties à l’impôt. Le taux d’enregistrement à la taxe professionnelle ne dépasse pas 14 %, tandis que seuls 1,7 % sont inscrits au régime de l’auto-entrepreneur.
Des hommes majoritairement aux commandes et une amélioration du niveau d’éducation
La participation des femmes à la gestion des unités de production reste faible, ne dépassant pas 8 %, avec des variations selon les secteurs d’activité. En revanche, le niveau d’éducation des dirigeants s’est nettement amélioré, la proportion de ceux n’ayant aucun niveau scolaire étant tombée à moins de 20 %.
Autofinancement quasi-total et accès au crédit quasi inexistant
Les résultats de l’enquête indiquent que l’autofinancement demeure la principale source de création et de pérennisation de ces unités, utilisé par plus de 90 % des opérateurs. Seuls environ 1 % recourent aux crédits bancaires ou au microcrédit, ce qui illustre leur faible intégration financière.
Légère baisse de la proportion de ménages possédant une unité de production
La proportion de ménages détenant une unité de production informelle a légèrement diminué entre 2014 et 2023, tout en restant élevée parmi les ménages nombreux ou ceux avec plusieurs actifs.
Un tiers de la main-d’œuvre non agricole travaille dans le secteur informel
Le secteur représente plus de 33 % des emplois non agricoles, avec une forte concentration dans le commerce et les zones urbaines, notamment dans les grandes régions comme Casablanca-Settat et Marrakech-Safi. Malgré cette importance, la majorité des travailleurs n’ont ni contrat formel ni couverture sociale, ce qui reflète la précarité des conditions de travail.
Une performance économique en progression limitée et une contribution en recul à la valeur ajoutée
Malgré une augmentation du chiffre d’affaires et de la productivité globale du secteur, sa contribution à la valeur ajoutée nationale a diminué, passant de 16,6 % à 13,6 % au cours de la dernière décennie. Cette baisse s’explique par une transformation de la structure productive, marquée par le recul du commerce au profit des services et du bâtiment, ainsi que par la prédominance persistante des petites unités peu productives.
Des liens avec l’économie formelle qui se renforcent progressivement
L’enquête révèle une évolution dans les échanges : une part croissante de l’approvisionnement du secteur informel provient de l’économie formelle, signe d’un début de rapprochement entre les deux sphères. Les ventes dirigées vers le secteur formel augmentent également, bien qu’elles restent faibles comparées à celles destinées à la consommation directe.
Les résultats de cette enquête de terrain révèlent l’ampleur et la diversité du secteur informel, tout en soulignant les défis structurels qui entravent son intégration pleine et entière à l’économie, notamment en matière de financement, d’infrastructures, d’enregistrement administratif et de protection sociale. Ce secteur demeure néanmoins une source essentielle d’emplois, en particulier en période de crise économique ou de transformation sociale, ce qui exige l’élaboration de politiques publiques souples et intégrées pour améliorer ses conditions d’activité et renforcer son lien avec le secteur formel.