Les acteurs du marché du travail marocain, demandeurs et offreurs, continuent à supporter le fardeau de la crise sanitaire du Covid-19 au début de l’année en cours, laissant dominer un climat morose, dans l’attente de la moindre lueur d’espoir de pouvoir inverser la donne.
Une conjoncture économique particulièrement difficile confirmée par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), qui a révélé, récemment, que l’économie nationale a perdu 202.000 emplois entre le premier trimestre de 2020 et celui de 2021, couvrant une création de 56.000 postes en milieu urbain et une perte de 258.000 en milieu rural.
Un chiffre qui s’avère alarmant surtout lorsqu’il est comparé avec la même période de 2020, où le marché de travail a enregistré une création de 77.000 postes d’emploi.
Toutefois, force est de relever que parmi les 202.000 postes perdus, l’emploi non rémunéré s’accapare la part du lion avec pas moins de 185.000 postes. Constitué d’environ 98% d’aides familiales, ce type d’emploi porte essentiellement sur l’agriculture et quelques activités industrielles en perte de compétitivité.
D’ailleurs, sa baisse peut être expliquée par le repli continu de la part du secteur de l’agriculture dans l’emploi en milieu rural, durant les dernières années, en faveur du secteur tertiaire pour s’établir à 67,5% au T1-2021 contre 76,9% au T1-2010, a affirmé, Aomar Ibourk, Senior Fellow au Policy Center for the New south (PCNS).
« En dépit de la baisse des effectifs d’aides familiales, le taux de sous-emploi est passé de 8,8% à 9,2%, soit un supplément d’environ 34.000 personnes (de 954.000 à 988.000) », a précisé M. Ibourk, notant que les jeunes sont les plus concernés, avec un taux de sous-emploi de 13,6%.
Quid des perspectives pour les mois à venir?
De l’avis de cet expert du marché de l’emploi, la dynamique de l’offre est plus ou moins prévisible à court terme, alors que l’évolution de la demande reste tributaire de plusieurs dynamiques, y compris celle relative à la gestion de la crise sanitaire actuelle, tant au niveau national qu’international.
En effet, la vitesse de réalisation des objectifs de la campagne de vaccination, au Maroc et chez les pays partenaires, est à prendre en compte lors de toute estimation des perspectives de l’activité globale et par conséquent, de la demande du travail, a-t-il expliqué.
Le caractère « incertain » de cette vitesse peut se refléter sur les décisions des acteurs, notamment les investisseurs privés, a noté M. Ibourk.
Quant à l’investissement public, moteur important de la demande du travail, il s’annonce ambitieux, malgré le débat qu’il nourrit lorsqu’il s’agit de la contribution publique effective, a fait valoir l’expert.
D’après lui, il faut aussi considérer le degré de résilience des entreprises aux chocs engendrés par le covid-19, soulignant, à cet égard, que les enseignements accumulés pendant les dernières années indiquent que les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) sont les plus vulnérables dans ce sens, alors que leur contribution est conséquente dans la demande du travail.
M. Ibourk a, en outre, indiqué que les mesures de soutien prises par le gouvernement ont permis de soutenir certains engagements et ont, jusqu’à la fin de l’année écoulée, donné un autre souffle à nombre d’entreprises.
En revanche, à en croire les chiffres d’Inforisk, les faillites des entreprises ont augmenté de 15% au premier trimestre 2021 par rapport à la même période de l’année dernière, ce qui fait que l’effet du Covid-19 est « probablement à l’agenda ».
Par ailleurs, l’expert estime qu’avec une bonne campagne céréalière (98 millions de quintaux de céréales) en perspective, le Maroc devrait connaître une croissance supérieure à 4,8% prévue initialement sous l’hypothèse d’une récolte céréalière de 70 millions de quintaux.
« Cependant, il n’y a pas que cette hypothèse. Celles concernant les prix des matières premières ne s’avèrent guère favorables, compte tenu des dernières évolutions observées sur les marchés mondiaux de certaines matières premières », a-t-il noté..
M. Ibourk a, parallèlement, soulevé que sur le long terme, la croissance économique s’accompagne d’une modification de la structure de l’emploi et de la production, induite par les changements qui affectent la demande, l’évolution technologique et la spécialisation internationale.
En plus des mécanismes mis en œuvre à même de favoriser la création et la préservation de l’emploi chez les jeunes et les actifs, l’investissement en travail sur une large échelle se veut plus que jamais un impératif pour pouvoir redresser la barre.
Il est surtout question de développer les activités fortement créatrices d’emplois comme celles relevant de l’économie sociale et solidaire, les travaux d’intérêt public, outre l’accélération de la lutte contre l’analphabétisme.