Après la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19) qui a poussé les musées du monde à multiplier les initiatives pour maintenir le contact avec leur public, les tendances de fond semblent se renforcer, notamment en matière d’émersion de nouveaux contenus digitaux.
Étroitement liée à l’évolution du secteur touristique, la culture muséale a souffert d’une crise sans précédent, face à laquelle plusieurs mesures ont été prises en vue d’amortir le choc, mais également pour continuer de diffuser la culture artistique et faciliter son accessibilité.
Au Maroc, les conservateurs et les guides des musées ont vu leurs institutions être fermées durant le confinement général qui a duré plusieurs mois. Désormais, la vision de leur métier s’est transformée, en accordant plus d’attention à leur présence dans le monde numérique.
« Avec la distanciation sociale et la réorganisation des parcours au sein des expositions, les musées ne peuvent recevoir au mieux que la moitié de la jauge habituelle des visiteurs, mais, le plus souvent, ils en accueillent un peu moins », a souligné dans une déclaration à la MAP, Abdelaziz El Idrissi, Directeur du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain.
Il a, à cet effet, relevé que ce musée, avec une reprise axée sur une programmation orientée « art marocain », continue d’avoir un public quoiqu’il demeure assez réduit, comparé à la période d’avant crise, d’autant plus qu’il n’y a pas de touristes, ni de groupes scolaires, lesquels constituaient une partie importante des visiteurs.
C’est dans ce sens que M. El Idrissi, a souligné la nécessité pour certains musées « classiques » de se réinventer, notamment à travers de nouvelles expériences immersives pour découvrir les œuvres d’art autrement.
A cet égard, le responsable a fait observer que le musée Mohammed VI a créé « une sorte de base de données numérique » à même de permettre aux férus de l’art, d’accéder à la totalité des activités culturelles réalisées par le musée et par ricochet profiter des balades virtuelles artistiques proposées, sans pour autant avoir à se déplacer.
« Le numérique ne remplacera jamais une visite au musée ni les échanges en réel, certes, mais ça reste un extraordinaire outil à même de rapprocher l’art de la population » a-t-il assuré, notant que l’engouement des amateurs de l’art vis-à-vis de cette pratique alternative, prouve qu’il y aura certainement un monde d’après pour les musées.
M. El Idrissi a, en outre, fait savoir que les chiffres demeurent assez bas, « soit 200 personnes qui arrivent chaque vendredi au musée Mohammed VI et une fréquence de cinquante à soixante-dix personnes par jour durant le reste de la semaine », estimant dans ce sens que la culture constitue, plus que jamais un service essentiel en période de crise « Quand on est isolé, c’est la culture qui nous unit ».
Si certains musées situés dans des zones très fréquentées cet été ont réussi à tirer leur épingle du jeu, grâce notamment au numérique, d’autres connaissent une chute radicale depuis quelques mois, notamment le musée des Sources de Lalla Mimouna à Tinejdad, qui a perdu 90% de sa clientèle à cause de cette pneumonie virale.
Approché par la MAP, Zaïd Abbou, créateur et gérant de ce musée situé à quelques encablures de Goulmima, n’a pas manqué de préciser que l’affluence anémique due aux mesures visant à freiner la propagation du Covid-19, a forcé plusieurs musées à sabrer dans leurs dépenses ou à envisager de nouvelles sources de revenus.
Il a noté que ces espaces, en plus de jouer le rôle de gardien de la mémoire et du patrimoine national matériel et immatériel, constituent un vrai bol d’air pour le public, notamment en période de crise.
Pour ce qui est de l’impact du digital sur ce secteur, M. Abbou a affirmé que les dispositifs numériques jouent un rôle crucial en matière de développement de ce dernier, notamment en ce qui concerne le travail sur les collections ou encore la conception de la médiation des musées. Néanmoins, les petits musées situées dans des régions éloignés du Royaume n’ont pas forcément les moyens leur permettant d’assurer « une présence en bonne et due forme » sur le digital, a-t-il poursuivi.
Il a, par ailleurs, souligné que « le Maroc mérite des musées à la hauteur de sa culture foisonnante et son patrimoine riche et varié », notant dans ce sens l’impératif de développer cette culture chez le citoyen marocain et renforcer sa visibilité sur la scène culturelle.
Force est de constater que le numérique, qui était auparavant une offre marginale pour la plupart des musées est devenu par la force des choses, l’unique option à même d’assurer une pérennité de la culture muséale dans le pays et un peu partout dans le monde.