C’est une tragédie. On a perdu des frères, des sœurs. Des enfants sont devenus orphelins du jour au lendemain”, lance Aicha, le cœur gros de compassion et de douleur, alors qu’elle vient de déposer un chariot rempli de produits et d’effets pour enfants à l’entrée de l’une des grandes surfaces de Rabat.
“Chacun à son échelle, chacun y met du sien”, résume cette jeune femme, visiblement entrée dans son dernier mois de grossesse.
Cinq jours après le violent séisme qui a secoué Al Haouz et d’autres régions du Maroc (2.946 morts selon le dernier bilan de mercredi soir), la solidarité bat toujours son plein.
Autorités publiques, société civile, staff médical, bénévoles, citoyen lambda… Tous se sont tournés vers les régions sinistrées, avec en première ligne SM le Roi Mohammed VI. Au-delà de la séance de travail consacrée à l’examen de la situation au lendemain du sinistre, le geste éminemment réconfortant du Souverain, mardi, au chevet des blessés et faisant don de Son sang est l’illustration parfaite d’une solidarité spontanée et tous azimuts.
Tous sur le pont !
A Rabat, comme dans d’autres villes du Royaume, les actes de compassion avec les sinistrés se succèdent et ne se ressemblent pas. De l’acheminement d’aides en nature de toutes sortes aux contributions financières, en passant par le don de sang dans les centres de transfusion sanguine, l’action solidaire tourne à plein régime.
Mohamed Saad, un trentenaire, assure n’avoir pas hésité une seconde à répondre à l’appel pour acheminer les aides à bord de sa camionnette jusqu’auprès des familles éplorées.
“Je l’ai fait de toute gaieté de cœur, sans fermer l’œil deux jours d’affilée”, confie-t-il à la MAP, en revenant sur les risques d’une expérience qui, dit-il, “restera gravée à jamais dans ma mémoire”, en raison des routes escarpées, parfois coupées par des blocs de roche.
L’idée du périple a germé avec un groupe d’amis, puis elle a pris racine en concertation avec une des associations parties à la rescousse dès les premières heures du séisme.
“Sincèrement, les autorités ont fait un travail titanesque pour avoir réussi, en si peu de temps, à ouvrir les routes, déblayer les terrains et faire parvenir les aides d’urgence aux douars les plus reculés”, poursuit-il.
“Le plus touchant c’est que, à chaque fois que j’interrogeais l’une des victimes sur ses besoins, elle répliquait n’en n’avoir aucun, si ce n’est la famille qu’elle a perdue”, raconte-il, la gorge nouée d’émotion.
Les collectes s’organisent
Pour faciliter la mobilisation citoyenne, certains hypermarchés ont instauré des points de collecte de dons au sein de leurs magasins, tout en assurant l’intégralité de la logistique.
Chaque jour, des convois partent à destination de Marrakech et Agadir avant d’être dispatchés, en concertation avec les autorités locales, sur les sites touchés par le sinistre, explique la manager du commerce dans un hypermarché de la capitale.
“C’est touchant de voir autant de générosité. Quasiment tous les achats des clients vont au profit des sinistrés d’Al Haouz. On y voit de tout, il y a des gens qui achètent, voire ramènent de leurs domiciles, des couettes, des tentes, des vêtements, de la nourriture, des lampes, des médicaments… Bref, tout ce qui risque de passer par la tête”, enchère sa consœur, superviseuse de caisse au même magasin.
“Si l’on compte uniquement les trois premiers jours, chaque bénévole achetait au moins le volume de deux chariots remplis de toutes sortes de produits, le tout dans l’ordre et la patience. Les rayons à peine remplis se vident, les clients se servant parfois directement des palettes de manutention. Certains étrangers présents sont restés bouche-bée devant ce spectacle impressionnant”, raconte-t-elle, les yeux embués de larmes.
Face à l’épreuve, toutes les bourses se délient, comme ce bénévole ayant déboursé une somme de 400.000 dirhams sous forme de dons en nature. Même les budgets les plus modiques répondent à l’appel, à l’image de cette femme de ménage venue remettre un paquet de lait ou cette fillette ayant fait don de ses jouets.
“On ne peut rien devant la volonté d’Allah. J’ai donné tout ce que j’ai pu. Si je n’étais pas malade, je me serais déplacé sur les lieux pour aider mes compatriotes”, regrette Bouzekri, un sexagénaire venu, en compagnie de son épouse, déposer un panier de denrées alimentaires dans le hall de la grande surface.
L’Histoire retiendra que dans la joie comme dans le malheur, les Marocains se tiennent unis. Cette solidarité spontanée sous toutes ses formes et dans toutes ses expressions donne à voir un spectacle émouvant, comme ce fut le cas lors du mondial 2022 au Qatar, de la pandémie du Covid-19, du tremblement de terre d’Al Hoceima (2004), du sauvetage du petit Rayan, et bien d’autres épisodes.
En ces pénibles moments que traverse le pays, les Marocains sont conscients que le défi ne concerne pas uniquement les institutions et les autorités qui se déploient héroïquement et massivement sur le terrain et auprès des sinistrés, mais il galvanise les ressorts profonds de tout un peuple. Et c’est ce qui fait toute la différence. Cette expression de solidarité dans toute sa splendeur n’est pas un accès de fièvre éphémère, mais bel et bien une belle leçon de vie et de civisme…
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