Après quatre ans d’activités au Maroc, les acteurs de la finance participative s’impatientent de voir l’assurance « Tafakul » entrer en vigueur pour booster encore plus cette activité à même de pouvoir rivaliser avec le mode conventionnel.
Bien que l’activité des banques participatives a le vent en poupe avec des financements accordés en hausse de 50,3% à 12,88 milliards de dirhams (MMDH) à fin novembre 2020, le « Takaful » demeure un pilier fondamental qui va certainement consolider le socle sur lequel repose cette finance qui ambitionne de séduire davantage de clients, particuliers et investisseurs.
Mais pourquoi l’absence de cette assurance persiste toujours ? N’est-il pas profitable d’accélérer son processus d’opérationnalisation ? A quand la publication des textes d’application de la loi relative à « Takaful » ?
La réponse à ces questions et d’autres fait couler depuis des années beaucoup d’ancre et ce, au regard de l’importance de ce chantier phare. Heureusement, le début de 2021 se veut prometteur, puisque les autorités assurent que les textes d’application sont à un stade « très avancé » dans le circuit de publication.
Ces textes, comme l’a précisé le Secrétaire général de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), Othman Khalil El Alamy, comprennent un projet d’arrêté « Takaful » pour l’application de la loi, trois projets d’arrêtés fixant les conditions générales types de trois produits d’assurance « Takaful » (décès-invalidité, multirisque bâtiments, investissement Takaful) et un projet de la circulaire spécifique à l’assurance « Takaful ».
« Tous ces textes ont été discutés avec les parties prenantes et ont obtenu l’avis conforme du Conseil Supérieur des Oulémas (CSO). Ils sont à un stade très avancé dans le circuit de publication », a-t-il affirmé.
Et de rappeler que sur recommandation de ce Conseil, le cadre légal initial de « Takaful » a été revu pour répondre aux principes et exigences de cette assurance, notamment par rapport à la question de la séparation totale entre, d’un côté, le fonds doté de la personnalité morale et l’autonomie financière et de l’autre, l’opérateur gestionnaire.
Il a fallu également amender le Plan comptable des assurances pour l’adapter au référentiel comptable des assurances « Takaful » et ainsi tenir compte des spécificités de cette nouvelle activité, a fait savoir M. El Alamy, notant que ce chantier, mené de concert avec la Profession, est en cours de validation par le Conseil national de la comptabilité.
« A ce sujet, j’aimerais signaler que notre action dans le cadre réglementaire est précisée par l’article 3 de la loi 64-12 portant création de l’Autorité qui stipule qu’elle peut, à son initiative ou à la demande du gouvernement, proposer à celui-ci des projets de textes législatifs et réglementaires en relation avec son champ d’intervention », a dit le Secrétaire général de l’ACAPS.
L’assurance participative séduit déjà les opérateurs !
L’assurance participative s’annonce d’ores et déjà un marché à fort potentiel. D’ailleurs, c’est ce que laisse présager les demandes d’agrément que le régulateur du secteur de l’assurance commence à recevoir de la part des opérateurs.
« Nous avons entamé l’accompagnement des entreprises pour le démarrage de leur activité «Takaful»: à date, plusieurs opérateurs ont manifesté leur intérêt pour l’assurance Takaful », a indiqué M. El Alamy.
Bien que les textes d’application ne soient pas encore publiés, l’ACAPS a pris l’initiative d’échanger avec ces opérateurs pour les accompagner dans la constitution de leur dossier d’agrément, a-t-il poursuivi.
L’Autorité a aussi élaboré un modèle du règlement de gestion (non obligatoire) pour aider au démarrage rapide de cette activité.
« Takaful »et assurance conventionnelle: Quelle différence ?
Deux activités de deux sphères différentes, mais elles partagent la mêmes finalité, à savoir apporter un filet de sécurité aux assurés/participants.
Toutefois, les différences entre les deux régimes résident dans le fait que la conception et le fonctionnement de « Takaful » exigent, entre autres, l’avis conforme du CSO sur les opérations d’assurance et de réassurance et sur l’activité de gestion, la prise en charge du risque assurantiel par le fonds « Takaful » et non pas par l’entreprise d’assurance, outre la séparation des comptes d’assurance ou de réassurance « Takaful » des comptes de l’opérateur, a précisé M. El Alamy.
Il s’agit également de la distribution des excédents du fonds aux participants et la rémunération de l’opérateur par une rémunération de gestion, de l’obligation de combler l’insuffisance de couverture par des avances « Takaful » (prêts sans intérêts) consenties par l’opérateur, de l’obligation pour le participant d’adhérer au règlement de gestion, en plus de la signature du contrat d’assurance, ainsi que de l’absence de prescription, a-t-il ajouté.
De son côté, Said Amaghdir, directeur associé chez Finance Value Consulting, a expliqué que cette assurance, à l’instar de celle conventionnelle, se compose de deux parties. L’assurance vie (décès, épargne) et de l’assurance non vie (tout ce qui est relatif aux biens dommages, automobile, etc).
C’est un système d’assurance basé sur l’entraide et bien sûr le droit au participant d’être indemnisé sur les sinistres subis, a noté M. Amaghadir, également président de la Commission financement, investissement et accompagnement des TPE-PME au sein du Club des Dirigeants, faisant savoir que les assurés (les participants) peuvent bénéficier de trois éléments importants.
Et de poursuivre: « Ces assurés deviennent co-propriétaires du fonds « Takaful », bénéficiant ainsi de la couverture (décès, invalidité, santé et habitat). Ils peuvent épargner pour eux-mêmes, leurs familles, etc. Ils peuvent aussi faire une épargne-capitalisation pour fructifier l’épargne collective. Ces contrats respectent les principes de la Charia ».
La société de gestion « Takaful » gère ce fonds qui appartient, in fine, à tous les participants. Elle reçoit une commission sur ses tâches et le reste de la prime collectée revient au fonds. A l’inverse, dans le conventionnel, la prime revient à la compagnie (aux actionnaires, a expliqué l’expert.
Lorsque le Fonds « Takaful » est déficitaire, l’opérateur « Takaful » doit verser l’équivalent de ce déficit dans le fonds pour honorer ses engagements. Cela constitue la seule contrainte qu’a l’opérateur d’assurance « Takaful ».
« Le fonds a la personnalité morale et l’autonomie financière. Tout le cash collecté est dans le Fonds. Il y a différent modèles de « Takaful », mais celui qui a été retenu chez nous est le modèle Wakala », a t-il précisé.
Force est de constater qu’avec la mise en place de l’assurance « Takaful », la finance participative au Maroc fera un pas de géant vers l’avant pour jouer un rôle plus important dans le paysage financier du Royaume.
Parallèlement, il est tout aussi crucial que les acteurs de cette finance soient au rendez-vous et continuent à enrichir et diversifier leurs offres, se focalisant essentiellement sur l’innovation et la compétitivité.