Des milliers de conteneurs remplis de denrées alimentaires essentielles, de matières premières et d’équipements médicaux sont bloqués dans le port de Karachi, au Pakistan, alors que le pays est aux prises avec une crise de change désespérée.
En raison d’une pénurie de dollars, les banques refusent d’ouvrir de nouvelles lettres de crédit pour les importateurs, affectant une économie déjà mise à mal par une inflation galopante et une croissance en berne.
« Je suis dans ce métier depuis 40 ans et je n’ai jamais connu une pire période », témoigne pour l’AFP Abdul Majeed, un responsable de l’Association pakistanaise des agents des douanes (APCAA).
Au port de Karachi (Sud), des milliers de conteneurs maritimes sont bloqués dans l’attente du paiement, remplis de produits cruciaux pour l’économie pakistanaise. Tout est concerné, des biens de luxe aux denrées alimentaires, en passant par les produits chimiques ou pharmaceutiques, et de l’équipement médical vital.
« Nous avons des milliers de conteneurs coincés au port à cause d’un manque de dollars », explique Maqbool Ahmed Malik, président de l’APCAA, qui précise que le volume d’opérations y a baissé au moins de moitié.
Cette semaine, les réserves de devises de la banque d’Etat sont tombées à moins de 6 milliards de dollars au début 2023, au plus bas depuis près de neuf ans – avec des obligations de plus de 8 milliards de dollars pour le seul premier trimestre. Les réserves sont suffisantes pour payer environ un mois d’importations, selon les analystes.
L’économie pakistanaise s’est effondrée parallèlement à une crise politique latente, avec une chute de la roupie et une inflation qui atteint des niveaux inégalés depuis des décennies. Les inondations dévastatrices de cet été et une importante pénurie d’énergie ont accentué la pression.
L’énorme dette de ce pays d’Asie du Sud – qui s’élève actuellement à 274 milliards de dollars, soit près de 90% du produit intérieur brut – et les difficultés récurrentes à la rembourser le rendent particulièrement vulnérable aux chocs économiques.
Islamabad a placé ses espoirs dans un accord avec le FMI, négocié sous le dernier dirigeant Imran Khan, mais le dernier paiement est en attente depuis septembre.
Le prêteur mondial exige le retrait des subventions restantes sur les produits pétroliers et l’électricité, destinées à aider les 220 millions d’habitants à faire face au coût de la vie.
Cette semaine, le Premier ministre Shehbaz Sharif a exhorté le FMI à lui laisser un peu de répit pour faire face à cette situation « cauchemardesque ».
« Je dois faire la queue pendant deux ou trois heures pour acheter de la farine subventionnée, les prix sont inabordables », déplore Zubair Gul, père de quatre enfants et travailleur journalier à Karachi.
Pour Shah Meer, un employé de bureau, emprunter à des proches ou utiliser des cartes de crédit est le seul moyen de s’en sortir : « Un homme ordinaire ne peut pas se permettre d’acheter du lait, du sucre ou des légumes ».
Avec les élections prévues à la fin de l’année, mettre en oeuvre les conditions exigées par le FMI serait un suicide politique, mais il est peu probable que le Pakistan obtienne un nouveau crédit sans faire au moins quelques coupes.
Jeudi, les Emirats arabes unis ont accepté de prolonger un prêt de 2 milliards de dollars et accordé au pays un milliard de dollars supplémentaires, l’aidant à éviter un défaut de paiement immédiat.
La semaine dernière, plus de 9 milliards de dollars d’aides internationales ont été promises pour reconstruire le pays afin notamment qu’il résiste mieux aux assauts du changement climatique.
Néanmoins, ces fonds ne suffiront pas à résoudre la crise du change actuelle, raison pour laquelle M. Sharif continue de faire pression sur ses alliés, notamment l’Arabie saoudite, le Qatar et Pékin, qui a investi des milliards dans le cadre du projet de corridor économique Chine-Pakistan (CPEC).
La crise du change a aggravé les difficultés des fabricants de textiles – représentant environ 60% des exportations pakistanaises – qui ont souffert des pénuries d’énergie, des dégâts causés aux cultures de coton pendant les inondations et d’une récente augmentation des taxes.
A Faisalabad, centre de l’industrie textile, environ 30% des métiers à tisser sont arrêtés, les autres travaillant un jour sur deux, a déclaré Baba Latif Ansari, responsable du syndicat Labour Qaumi Movement.
« Plus de 150.000 travailleurs qui étaient venus des villages environnants pour travailler ici ont dû rentrer en raison du manque de travail ces dernières semaines. D’autres restent assis à la maison en espérant que la situation s’améliore », explique-t-il à l’AFP.
Certaines usines se sont plaintes d’un retard dans l’importation de matières premières telles que les teintures, les boutons et les fermetures éclair, ainsi que de pièces détachées pour les machines bloquées dans le port de Karachi.
Abdul Rauf, un importateur de céréales et de légumineuses, affirme qu’il ne lui … Lire la suite : https://www.mapinfo.ma/afficher-depeche/205859151
ALdar : LA MAP