Nabila ZOURARA
Ville des Beatles, capitale européenne de la culture et l’une des destinations les plus prisées de tourisme en Angleterre, la ville de Liverpool est sur le point de disparaître du patrimoine mondial de l’Unesco, en raison de projets de développement urbains, qui représentent une vraie menace pour son aspect authentique.
Menés au long de sa façade maritime, ces projets comprennent notamment les plans de construction d’un nouveau stade d’Everton, sur le Bramley Moore Dock, un quai semi-abandonné sur la rivière Mersey, qui traverse la ville et se jette dans l’Atlantique.
Sixième ville la plus visitée du Royaume-Uni, Liverpool doit son héritage culturel à son histoire en tant que grand port mondial aux 18ème et 19ème siècles, lorsqu’elle a joué un rôle important dans l’essor de l’Empire britannique.
La ville pleine de vestiges historiques est connue aussi par son caractère multiculturel, puisqu’elle abrite l’une des plus anciennes communautés africaines et chinoises d’Europe et est également célèbre pour ces deux clubs de Premier League, Liverpool et Everton.
Le front de la mer de Liverpool abrite des sites classés depuis 2004 au patrimoine mondial de l’Unesco, aux côtés des attractions touristiques les plus populaires au monde, comme le Taj Mahal en Inde, les pyramides d’Égypte et la cathédrale de Cantorbéry, primat de l’Angleterre et chef religieux de l’Église anglicane.
Le site s’étend du port marchand à travers les quartiers commerciaux historiques jusqu’au bâtiment civique aux intérieurs somptueux St George ‘s Hall, au centre de la ville.
Mais le lancement des travaux du futur stade d’Everton, dont la livraison est prévue pour le début de la saison 2023-2024 de Premier League, a suscité un vif débat au sein de l’Angleterre, notamment après la publication lundi d’un rapport du Comité du patrimoine mondial de l’Unesco avertissant que la mise en œuvre de ce projet avait entraîné une « grave détérioration » dans le site classé au patrimoine mondial et menace « sa valeur universelle exceptionnelle ».
« L’Unesco recommande de retirer Liverpool de la liste des sites du patrimoine mondial lors de sa réunion prévue à Fuzhou en Chine le mois prochain. Cette décision fait suite aux critiques des projets de développement menés sur le front de mer de Liverpool, notamment le nouveau stade d’Everton à Bramley Moore Dock », a écrit le Comité sur Twitter.
Cette décision a suscité la mobilisation d’une panoplie de personnalités politiques, sportives et académiques, dont le dramaturge Willy Russell, l’ex-politicien Michael Heseltine, et les directeurs généraux des clubs de football de Liverpool et d’Everton pour convaincre l’Unesco à revenir sur sa décision.
Dans une lettre publiée dans le quotidien britannique The Times, les signataires de cette lettre ont déclaré que « Liverpool, comme le reste du monde, a dû concentrer tous ses efforts sur la lutte contre la crise sanitaire et planifie actuellement son retour, notant que la suppression du statut de patrimoine mondial serait un revers pour ces plans et serait très injuste ». De son côté, la maire de Liverpool, Joanne Anderson, a reconnu que le rapport « prendra du temps à être digéré », soulignant « qu’une réponse complète sera faite via le Département britannique du Numérique, de la Culture, des Médias (DCMS) pour demander au Comité de reporter sa décision afin de la réexaminer au cours des 12 prochains mois.
« Nous espérons qu’ils voient, comme nous, que le site du patrimoine mondial de Liverpool devrait être présenté comme un exemple des meilleures pratiques en matière de régénération axée sur le patrimoine », a-t-elle ajouté.
Lorsque le projet de la nouvelle enceinte de 52.888 places et dont le coût avoisine les 500 millions de livres sterling, a été approuvé par le gouvernement, le comité de l’Unesco avait déjà mis en garde contre son impact « totalement inacceptable » sur la liste du patrimoine mondial.
« Le Royaume-Uni est un leader mondial de la protection du patrimoine culturel et le statut de patrimoine mondial de Liverpool reflète le rôle important que la ville a joué dans l’histoire de notre pays », a commenté un porte-parole du gouvernement britannique, soulignant que l’exécutif continuera de travailler avec « l’Unesco, Historic England et le conseil municipal de Liverpool pour garantir que le Comité du patrimoine mondial puisse prendre une décision éclairée lors de sa réunion le mois prochain. »
De son côté, le conseil municipal de Liverpool a demandé au comité de l’Unesco de reporter sa décision jusqu’à sa prochaine visite, assurant que 800 millions de livres sterling supplémentaires seraient dépensés pour la préservation de plus de 40 biens patrimoniaux dans la ville, au cours des cinq prochaines années.
La menace de retrait de Liverpool de la liste du patrimoine mondial, a jeté de l’huile sur le feu pour un secteur culturel déjà lourdement sapé par la crise sanitaire.
Presque désertés depuis le début de la crise sanitaire, de nombreux vestiges et sites historiques britanniques, dont les palais royaux inhabités, font face à des difficultés financières sans précédent.
En effet, les recettes de ces palais dépendent essentiellement de l’argent récolté chaque année par les visiteurs. Au total, environ 4,5 millions de touristes se rendaient chaque année dans ces lieux chargés d’histoire pour découvrir un héritage culturel abyssal laissé par les dynasties Tudor et Stuart.
Le Royal Collection Trust, qui tient ses revenus des visites des palais royaux, avait annoncé une perte de près de 63 millions de livres sterling, soit environ 70 millions d’euros.