
Par Meryem Hafiani/ ALDAR
Dans un pays qui détient l’une des plus grandes réserves de gaz et de pétrole d’Afrique, des millions d’Algériens vivent aujourd’hui dans la pauvreté, le chômage et le désenchantement. L’Algérie, riche en ressources mais épuisée par la mauvaise gouvernance, s’est transformée en un foyer majeur de l’émigration irrégulière vers l’Europe, symbole d’un contraste frappant entre l’opulence de l’État et la misère de ses citoyens.
Alors que le régime se félicite de ses recettes énergétiques et signe des contrats internationaux de plusieurs milliards de dollars, la jeunesse du pays prend la mer sur des embarcations de fortune, prête à risquer sa vie pour un avenir que sa patrie ne lui offre plus.
Les dernières estimations internationales montrent que les Algériens constituent la majorité des migrants traversant la Méditerranée par la route occidentale vers l’Espagne. Malgré la diversité des chiffres, les rapports de l’Union européenne et des organisations internationales spécialisées convergent sur un constat : l’Algérie est devenue, ces dernières années, l’un des principaux points de départ vers la rive nord. Ce phénomène n’est autre que la conséquence directe de l’échec de l’État à transformer sa richesse naturelle en développement durable, en emplois stables et en espoir pour une génération qui ne croit plus en son pays.
Les chiffres officiels reconnaissent un taux de chômage dépassant 11 % en 2023, tandis que des sources indépendantes estiment qu’il est bien supérieur, notamment chez les jeunes et les femmes. Face à l’inflation galopante et à l’érosion du pouvoir d’achat, la vie quotidienne devient de plus en plus insoutenable. Le régime, lui, se contente de discours creux sur les “réformes” et les “réalisations”, sans amélioration tangible du niveau de vie. Dans les petites villes et les zones rurales, l’investissement se fait rare, les services publics déclinent, et la frustration se transforme en désespoir — un terreau fertile pour l’émigration clandestine.
Plutôt que d’affronter la crise avec lucidité, le pouvoir algérien préfère la politique du déni, accusant des “forces étrangères” de vouloir ternir l’image du pays. Or, cette image n’a nul besoin d’être ternie : elle parle d’elle-même. Un État riche dirigé par une élite fermée, où la concentration des richesses contraste cruellement avec la précarité de la majorité.
L’Algérie n’a jamais réussi à diversifier son économie ni à investir intelligemment ses revenus énergétiques pour créer des secteurs productifs et générateurs d’emplois. Bureaucratie paralysante, corruption endémique et absence de responsabilité ont fini par pousser la jeunesse à considérer la mer comme la seule issue, fût-elle mortelle.
Les images en provenance des côtes algériennes sont poignantes : des embarcations surchargées de jeunes en quête d’un avenir, défiant la mer et la mort pour échapper à une réalité qui ne leur offre plus rien. Certains sont secourus in extremis, d’autres disparaissent à jamais, tandis que les autorités gardent le silence, comme si ces naufragés n’étaient pas leurs propres enfants.
La véritable tragédie ne réside pas dans la perte de ces vies en mer, mais dans la dérive d’un État miné par la corruption et l’immobilisme. L’Algérie n’est pas victime d’un complot étranger, mais bien des politiques de son propre régime. Quand médecins, ingénieurs et ouvriers fuient leur patrie, ce n’est pas par goût du risque, mais pour fuir un pays qui leur refuse la dignité et la justice. Les richesses du sous-sol ne sauveront pas une nation qui enterre ses talents dans la mer.
Le régime algérien se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins : affronter la réalité et reconstruire la confiance entre l’État et le citoyen, ou persister dans le déni jusqu’à ce que les “barques de la mort” deviennent la seule porte de sortie d’un pays qui possède tout — sauf l’équité et la dignité.