A LA UNEMONDE

De la désinformation à l’infiltration : les multiples dimensions de la guerre électronique contre le Maroc

Par Imane Alaoui / ALDAR

Les données et analyses spécialisées révèlent que l’espace numérique marocain est devenu le théâtre d’attaques coordonnées qui dépassent le simple terrain de la manipulation médiatique. L’objectif affiché va bien au-delà : propager le désordre et semer le doute entre l’État et ses citoyens.

Les plateformes de veille ont recensé plus de vingt mille faux comptes opérant dans une coordination manifeste. Une grande partie d’entre eux est liée à des réseaux étrangers pilotés par des acteurs hostiles, utilisant des robots numériques et des mécanismes de promotion payante pour diffuser des contenus falsifiés ou recyclés, présentés comme des « événements en temps réel » dans le but d’attiser l’opinion publique.

Pour les experts en cybersécurité, il ne s’agit pas seulement d’exprimer une position, mais bien de créer un environnement informationnel altéré, sapant la confiance dans les institutions et transformant les réactions populaires en munitions numériques exploitables par la suite. L’un d’eux parle même d’un « plan numérique en cascade » basé sur l’amplification d’incidents mineurs, reconfigurés en crises générales à travers la réutilisation de photos anciennes ou de vidéos trafiquées, soutenues par un réseau de comptes automatisés et sponsorisés.

Ce phénomène s’inscrit dans ce que les analystes de la stabilité qualifient de « guerres de cinquième génération ». Ici, la puissance militaire ne suffit plus : l’espace virtuel devient un champ d’action stratégique, façonnant l’opinion publique et orientant les humeurs collectives vers des objectifs politiques éloignés du terrain. Ces opérations exploitent les sentiments de colère et de frustration, remodelant les récits grâce à la puissance des algorithmes, qui favorisent la viralité des contenus violents ou émotionnels.

Les enquêtes techniques ont fourni des indices clairs d’une implication étrangère dans la conduite de ces campagnes. Réduire ces manœuvres à de simples actes spontanés de jeunes manipulés serait une lecture naïve. Après l’échec de tentatives d’influence politique et diplomatique classique de certains acteurs régionaux, le recours à l’arène numérique s’est imposé comme l’alternative privilégiée pour fragiliser le front intérieur marocain.

Les expériences internationales renforcent l’alerte : plusieurs pays ont été confrontés à des campagnes similaires de désinformation, reposant sur les mêmes instruments — faux comptes, robots de diffusion et recyclage médiatique — visant à déstabiliser ou peser sur des enjeux politiques et sociaux majeurs. Ces précédents démontrent que la riposte exige à la fois des mécanismes techniques avancés et une véritable pédagogie citoyenne pour immuniser le public contre les manipulations.

Face à ce défi, l’urgence est de mobiliser une réponse multidimensionnelle : renforcer les capacités analytiques des services de cybersécurité, développer des outils de détection des schémas automatisés, consolider la coopération internationale pour traquer les réseaux financés, tout en lançant des campagnes de sensibilisation axées sur l’éducation aux médias, afin d’armer les citoyens contre les pièges du faux contenu.

L’espace numérique n’est plus un simple outil de communication : il constitue aujourd’hui une arène stratégique qui conditionne les trajectoires de stabilité sociale et politique. Quelle que soit l’évolution des armes de l’ombre, le facteur humain — la vigilance et la conscience citoyenne — demeure le premier rempart face aux tentatives de fracture nationale. La réponse efficace passe par une combinaison de vigilance institutionnelle, de savoir-faire technique et de mobilisation civique soutenue par des politiques fermes et claires.

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