
ALDAR/ Iman Alaoui
L’ancien président sud-africain Jacob Zuma s’est rendu dans la capitale marocaine, Rabat, une visite qui a surpris de nombreux observateurs, non seulement par son timing, mais surtout par les messages implicites qu’elle véhicule. Elle pourrait bien marquer un tournant stratégique dans l’approche de l’Afrique du Sud concernant le dossier du Sahara marocain. Ce pays, longtemps considéré comme l’un des soutiens les plus fervents du Front Polisario sur les scènes africaine et internationale, semble amorcer aujourd’hui une révision discrète de ses positions traditionnelles, en phase avec les mutations que connaît le continent et le poids grandissant du Maroc sur les plans régional et international.
La visite de Jacob Zuma, figure emblématique de la politique sud-africaine, ne peut être interprétée indépendamment de la stratégie que mène le Maroc depuis plusieurs années : renforcer sa présence en Afrique par le biais de la coopération économique, de l’intégration continentale et d’une diplomatie calme et proactive. Le Royaume, qui a su rallier un soutien croissant à son initiative d’autonomie pour le Sahara, ne s’est pas contenté d’obtenir des positions officielles ; il a également cherché à pénétrer des bastions longtemps considérés comme acquis à la thèse séparatiste. Et il semble que l’Afrique du Sud, malgré des années de soutien affiché au Polisario, commence à percevoir la nécessité de s’aligner sur une nouvelle dynamique régionale et internationale, fondée sur une approche réaliste, loin des considérations idéologiques dépassées.
Les implications de la visite de Zuma vont bien au-delà du protocole : elle envoie un signal fort selon lequel une partie de l’élite politique sud-africaine commence à considérer la proposition marocaine d’autonomie avec un regard neuf, comme une solution pragmatique susceptible de garantir la stabilité régionale et de clore un conflit ancien ayant longtemps entravé l’unité et l’efficacité de l’Union africaine. L’importance de cette visite réside aussi dans la symbolique de la personnalité de Zuma, longtemps associée à des discours hostiles au Maroc, ce qui confère à son déplacement un caractère exceptionnel dans le contexte actuel de recompositions géopolitiques.
Le Maroc, de son côté, a su transformer le débat autour du Sahara d’un conflit politique figé en un dossier de développement tourné vers l’avenir. Grâce à des investissements massifs dans ses provinces du Sud, et à l’ouverture de dizaines de consulats africains, arabes et américains à Laâyoune et Dakhla, il a réussi à déplacer la bataille du terrain diplomatique onusien vers le terrain des faits et du développement, où les slogans séparatistes perdent de leur crédibilité face à la réalité. Dans cette dynamique, la visite de Zuma apparaît comme un nouvel indicateur de l’effritement progressif du discours traditionnel que certains pays ont entretenu pendant des décennies pour des raisons historiques ou des calculs politiques devenus obsolètes.
Ce qui distingue le Maroc aujourd’hui, ce n’est pas seulement sa puissance économique ou son influence diplomatique, mais sa capacité à redéfinir les alliances sur la base d’un partenariat mutuellement bénéfique, sans jamais renoncer à ses principes fondamentaux. C’est précisément cela qui semble commencer à convaincre certains anciens alliés du Polisario de reconsidérer, même progressivement, leur position. En ce sens, la visite de Zuma pourrait être l’un des premiers épisodes d’une série de mutations à venir, pouvant concerner d’autres pays qui se sont longtemps opposés à la proposition marocaine sans en mesurer réellement la portée.
En définitive, la visite de l’ancien président sud-africain ne constitue peut-être pas une déclaration officielle de changement dans la politique de Pretoria, mais elle représente incontestablement les prémices d’une nouvelle maturité politique au sein des cercles de décision africains. Une maturité qui comprend que seules les solutions réalistes, fondées sur la souveraineté et l’intégrité territoriale, peuvent garantir une stabilité durable et ouvrir la voie à une Afrique unie et forte.