Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a adressé un discours à la 15è Conférence au Sommet de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), dont les travaux se sont ouverts, samedi à Banjul (Gambie), sous le thème « Promouvoir l’unité et la solidarité à travers le dialogue pour le développement durable ».
Voici le texte intégral du Discours Royal, dont lecture a été donnée par le ministre des Habous et des Affaires Islamiques, Ahmed Toufiq.
« Louange à Dieu, Prière et Salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons
Excellence Monsieur Adama Barrow, Président de la République de Gambie,
Majestés, Excellences, Altesses,
Excellence Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation de la Coopération islamique,
Mesdames, Messieurs,
Il Nous plait, en premier lieu, d’adresser à Notre frère, Son Excellence Monsieur Adama Barrow, Président de la République sœur de Gambie, Nos vifs remerciements et l’expression de Notre grande considération pour l’invitation à ce Sommet islamique qu’accueille la République sœur de Gambie. A cet égard, Nous rendons hommage au travail méritoire qui a rendu possible la bonne organisation et la réussite de ce Sommet.
Nous tenons également à remercier Notre Auguste Frère, le Serviteur des Lieux Saints, le Roi Salmane ben Abdelaziz Al-Saoud, que Dieu Le garde, ainsi que Notre Très Cher Frère, Son Altesse Royale, le Prince Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, Prince Héritier et Président du Conseil des ministres, pour les efforts appréciables déployés par le Royaume d’Arabie Saoudite frère, lors de sa présidence de la 14 ème Conférence au Sommet islamique, en faveur des Causes islamiques et pour la concrétisation des objectifs assignés à notre Organisation comme cadre fédérateur de nos pays et peuples islamiques.
Majestés, Excellences, Altesses,
La 15 ème Conférence au Sommet de l’Organisation de la Coopération Islamique intervient dans une conjoncture internationale particulière et éminemment difficile, caractérisée par la recrudescence des crises et par la multiplication alarmante des foyers de tensions dans le monde islamique. A ceci s’ajoutent la montée des menaces sécuritaires et terroristes, la poussée de l’extrémisme et l’exacerbation d’un sectarisme odieux conduisant à la violence.
Ce Sommet intervient également alors que plusieurs régions de notre monde islamique sont toujours aux prises avec des tensions politiques et militaires et pâtissent de troubles sécuritaires, qui se sont répercutés négativement sur les conditions de vie dans de nombreux États membres de l’Organisation, notamment africains.
En effet, notre Organisation et ses institutions spécialisées sont appelées, dans un esprit de fraternité, de solidarité et d’entraide entre musulmans, à redoubler d’efforts et à multiplier leurs initiatives à l’endroit de ces Etats, pour les faire bénéficier des programmes et des plans de développement adoptés lors de nos sommets et réunions.
Le Royaume du Maroc appartient à l’Afrique et à ce titre, des relations humaines profondes et des liens spirituels enracinés l’unissent aux pays frères du Continent. De ce fait, Nous soulignons la nécessité d’entourer de plus de sollicitude les Etats africains les moins avancés, membres de notre Organisation, afin de les rendre plus aptes à relever les défis qui affectent leur processus de développement.
Comme chacun le sait, des menaces croissantes pèsent particulièrement sur ces Etats, en termes de sécurité énergétique et alimentaire et de croissance économique, ce qui affecte négativement leur stabilité et conduit à la détérioration de leurs situations socio-économiques.
Dans cet esprit et convaincu de l’importance de la coopération Sud-Sud, Nous avons lancé l’Initiative Afrique-Atlantique en tant que processus de partenariat africain qui a pour finalité suprême de raffermir les liens de coopération et d’intégration entre les pays africains riverains de l’océan Atlantique, pour in-fine consolider la paix, la stabilité et la prospérité partagée dans la région.
De même, au niveau international, Nous avons annoncé le lancement d’une initiative dans le but de favoriser l’accès des Etats du Sahel à l’océan Atlantique.
Le même esprit de solidarité anime la mise en place du futur gazoduc Maroc-Nigéria, considéré comme un projet d’intégration régionale et de relance économique commune visant à impulser la dynamique de développement dans la bande atlantique.
Majestés, Excellences, Altesses,
L’Organisation de la Conférence islamique a vu le jour il y a 55 ans, au Royaume du Maroc, à la suite de l’acte d’incendie commis par un extrémiste contre la Mosquée Al-Aqsa, qui occupe une place de choix dans le cœur des musulmans à travers le monde Pour autant, les fondateurs n’avaient pas l’intention de créer une organisation à vocation religieuse. Le projet est plutôt né de la conviction de diffuser les enseignements d’une noble religion et de promouvoir les valeurs humaines universelles afin de mobiliser les bonnes volontés et porter la voix des pays islamiques. C’est en effet la voie idoine pour instaurer une solidarité effective et concrète, à même de répondre aux attentes de nos peuples qui aspirent à la paix, au développement et au bien-être collectif et durable.
Voilà pourquoi l’idéal de solidarité qui nous anime aujourd’hui, ne consiste pas seulement à défendre la foi et à préserver son unité par la parole et les bonnes intentions. Cette valeur s’appuie aussi sur un travail collectif et implique le respect à la fois du pluralisme et des spécificités ainsi que le renforcement de la confiance.
Notre prestigieuse Organisation est, avant tout, un espace propice à l’innovation, à l’inventivité, à la planification et à la mobilisation, permettant de réaliser des projets concrets dans le noble dessein de concourir à la paix et à la sécurité internationale, au développement durable, à la prospérité et au bien-être collectif.
Notre ferme conviction est que nos pays – individuellement ou réunis au sein de groupements régionaux – recèlent les potentialités naturelles et les ressources humaines nécessaires pour se hisser au rang de bloc producteur de connaissances et générateur de stabilité et de bien-être, au service de leur intérêt et de celui de leur environnement et du monde entier.
Les pays de notre Organisation ne sont pas à l’abri de ce qui se passe autour d’eux, puisqu’ils se trouvent confrontés à des défis majeurs, qui se manifestent à travers des crises d’une nouvelle génération, de nature à la fois économique, politique, sécuritaire, environnementale et sanitaire. Il leur appartient, dès lors, de renforcer leurs capacités à y faire face et de s’adapter aux turbulences qui continuent de grever l’économie mondiale, en raison de la pression sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, résultant des guerres et de la menace qui pèse sur les voies de navigation maritime.
Cette situation nécessite donc l’adoption d’approches renouvelées et la mise en chantier de programmes innovants et réalisables, dans le but d’atténuer l’impact de ces crises. De fait, pour gagner les paris du développement humain, global et durable, et parvenir au bien-être économique, il est nécessaire d’identifier les opportunités de complémentarité et d’intégration, pour l’intérêt commun et pour la mise en œuvre des dix-huit priorités du futur programme d’action décennal de l’OCI. Pour cela, il importe, au premier chef, d’augmenter la part du commerce intra-régional dans le commerce extérieur des pays membres de l’Organisation et de lever les obstacles qui entravent le développement de leurs échanges commerciaux.
Par ailleurs, pour élargir les horizons de l’action islamique commune et tirer le meilleur parti des capacités nationales de nos pays respectifs, il convient d’évaluer de manière réaliste et constructive les mécanismes de mise en œuvre du programme d’action de notre Organisation. Il est par ailleurs impératif d’améliorer le cadre juridique en vue de son harmonisation, pour qu’il soit plus à même de satisfaire les besoins de nos sociétés dans les domaines de l’investissement et du commerce et pour une meilleure intégration et complémentarité des secteurs productifs.
Majestés, Excellences, Altesses,
Comme vous le savez, les différentes formes de fanatisme et de discrimination, les velléités d’extrémisme, de repli sur soi et de rejet de l’autre sont largement répandus dans des milieux qui récusent tout ce qui a trait aux religions révélées, en particulier le Message de notre Prophète Sidna Mohammed, paix et salut soient sur Lui. Nous sommes ainsi vivement préoccupés par la montée des discours incitant à la haine qui font de plus en plus de victimes. Ce fléau, en alimentant le cercle de la violence et de l’instabilité, constitue une grave menace pour la paix et la sécurité dans de nombreuses régions du monde.
A ce propos, Nous nous remémorons, avec une vive condamnation, les actes d’autodafé et de profanation du Saint Coran, commis ces dernières années par certains individus, devant le laxisme et l’inaction des autorités officielles de certains pays où se sont produits ces agissements, qui heurtent les sentiments de plus d’un milliard et demi de musulmans.
En effet :
· Depuis quand la liberté d’expression sert-elle à offenser autrui et à heurter ses sentiments et croyances ?
· Comment certains pays peuvent-ils s’enorgueillir de la protection absolue des libertés, à une époque où celles-ci sont exploitées pour semer la zizanie, couper les ponts de communication et de compréhension et saper les fondements du vivre-ensemble ?
· Le mépris à l’égard des Musulmans, la méconnaissance de l’Islam et de ses valeurs sublimes ne sont-ils pas consubstantiels aux intentions malveillantes de certains et aux agendas politiques basés sur l’exclusion qui sous-tendent l’islamophobie ?
En outre, Nous avons constaté, à Notre grand regret, que l’instrumentalisation dans certaines sociétés du discours anti-islamique, lors de surenchères électorales, n’est souvent rien d’autre qu’un choc des ignorances, avant d’être un choc de civilisations.
Nous avons bon espoir que la résolution proposée par le Royaume du Maroc et adoptée, à l’unanimité, par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 25 juillet 2023, au sujet de la « Lutte contre le discours de la haine : promotion du dialogue interreligieux, interculturel et de la tolérance », permettra d’opérer un saut qualitatif en matière d’actions de lutte contre le phénomène d’extrémisme et les discours de haine.
Aujourd’hui, Nous appelons de nouveau, à la vigilance, à la fermeté et à la coordination pour faire face à ces abus préjudiciables, avec la même énergie que nous attachons aux principes de dialogue interreligieux et interculturel, de tolérance, d’ouverture et de respect de l’autre, conformément à la parole de Dieu : « O Hommes! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand Connaisseur. »
Majestés, Excellences, Altesses,
Face à l’agression brutale contre Gaza, nos cœurs meurtris saignent. Le vaillant peuple palestinien se trouve, en effet, confronté à une situation d’une extrême gravité qui constitue un affront pour toute l’humanité. Cette conjoncture tendue est exacerbée par une recrudescence des attaques systématiques de la part de colons extrémistes en Cisjordanie, à l’instigation de responsables du gouvernement israélien.
Partant de Nos responsabilités de Souverain du Royaume du Maroc – dont le peuple aspire ardemment, à la justice, à la solidarité et à la coexistence avec les autres peuples – et en Notre qualité de Président du Comité Al-Qods, Nous réitérons avec insistance, Notre demande d’un arrêt immédiat, durable et global de cette offensive inédite, ainsi que l’autorisation de l’acheminement des aides humanitaires dans l’ensemble de la bande de Gaza.
Dans ce contexte, et face à cette catastrophe humanitaire sans précédent dans le monde contemporain, en Notre qualité de Président du Comité Al-Qods, Nous avons pris l’initiative de faire parvenir d’importantes quantités d’aides à nos frères palestiniens, directement à Gaza et à Al-Qods, et – en coordination avec les autorités égyptiennes – via le point de passage de Rafah. Nous étions ainsi mû par le devoir de solidarité qui guide l’action de notre Organisation ainsi que par la volonté de contribuer aux efforts de secours et d’assistance accomplis par les Etats frères et amis.
En dépit des difficultés, Nous confortons l’action menée sur le terrain par l’Agence Bayt Mal Al-Qods, conformément à Nos directives et sous Notre égide, afin de réaliser des projets socio-économiques en faveur de la population maqdessi et en soutien à certains hôpitaux.
Parallèlement, Nous réaffirmons que le discours sur l’avenir de la bande de Gaza n’est cohérent que si cessent les hostilités et que si les souffrances du peuple palestinien sont soulagées. En effet, la bande de Gaza fait partie intégrante des territoires palestiniens unifiés et constitue donc une affaire palestinienne. Elle doit, de ce fait, selon la vision de la solution à deux Etats et conformément aux résolutions internationales pertinentes, de vivre dans la paix et de jouir de l’indépendance.
Dans le même contexte, Nous demandons que soit mis fin à tout acte de provocation susceptible de raviver le conflit et Nous appelons à une cessation des mesures illégales prises unilatéralement par Israël dans les territoires palestiniens occupés, y compris Al-Qods Acharif et la Sainte Mosquée Al-Aqsa. Ces pratiques visent à altérer le statut juridique ainsi que le cachet civilisationnel de la Ville sainte.
Nous réitérons également Notre rejet catégorique de toutes les formes de déplacement forcé, de punition collective et des actes de représailles dirigés contre nos frères palestiniens.
Indéniablement, la poursuite de la gestion du conflit israélo-palestinien sans parvenir à une solution réaliste et pérenne, a engendré de la frustration et a anéanti tout espoir de paix. Elle a aussi provoqué un enchainement de catastrophes dévastatrices, avec leur lot de drames humanitaires dont les graves répercussions affectent non seulement la stabilité et la paix au Proche-Orient mais aussi la sécurité internationale.
Aussi, Nous invitons les Etats influant sur le processus de règlement de ce conflit à assumer leur responsabilité historique et à faire preuve de bon sens, en s’employant activement à mettre un terme à cette situation catastrophique pour sortir la région du cycle de la violence et pour que cesse la politique d’exclusion et du fait accompli. En outre, Nous les exhortons à œuvrer à la création des conditions favorables pour relancer un véritable processus de paix, débouchant sur la solution à deux États convenue au niveau international.
Quant à nos frères dans certains pays islamiques tels que la Libye, le Mali, la Somalie, le Soudan et autres, qui font face à des conflits, Nous recommandons aux protagonistes le recours vertueux au dialogue et à la réconciliation qui permettront d’y mettre fin, dans le cadre de la préservation de la souveraineté de ces pays frères et la défense de leur unité nationale et intégrité territoriale.
Puisse Dieu couronner de succès l’œuvre que nous entreprenons pour le plus grand bien de la Oumma islamique.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh ».
Source : MAP