Permettre à des ménages à revenus modestes de se loger à des conditions abordables et qualitativement correctes, tel est le principe du logement social, dont le programme de soutien, ayant bénéficié d’une prolongation pour l’année 2021, arrive déjà à échéance.
Le droit au logement est reconnu comme un droit social par les Constitutions successives du Maroc et c’est dans ce sens que le Royaume a enchaîné depuis l’Indépendance, moult stratégies et politiques publiques à même de répondre aux besoins en logement des citoyens des couches défavorisées.
Ces politiques publiques se sont traduites par diverses actions et formes de soutien à l’offre et à la demande en matière de logement, notamment le dispositif des logements sociaux à 250.000DH qui a permis de réduire d’environ 80% le déficit en logements sur la période 2000-2020, en passant de 200.000 logements à 1,2 millions d’unités.
Un dispositif qui arrive à terme, mais interpelle sur la nécessité de mener une réflexion sur un nouveau paradigme en la matière à même de maintenir une cadence élevée de production de logements sociaux, tout en assurant à tous les partenaires un équilibre et ce, dans un écosystème capable d’amorcer une véritable relance.
Le programme de soutien au logement social a été prolongé d’une année dans des conditions très strictes, à savoir l’obtention d’autorisation de construire avant le mois de mars 2020, notamment pour les projets qui étaient déjà en cours de réalisation, mais ont été suspendus suite à la crise du covid-19, a souligné, dans une déclaration à la MAP, Mohamed El Madani, promoteur immobilier.
Il a, à cet effet, relevé que les représentants des promoteurs immobiliers ont plaidé pour des alternatives urbanistiques, en l’occurrence, des dispositions urbanistiques, permettant de construire plus de logement et de compenser les avantages de la défiscalisation en dérogation pour des constructions en hauteur.
Et de poursuivre: « Autrement, sans ces conditions-là, produire à 250.000 dirhams, serait une production à perte pour les promoteurs, surtout dans l’axe Kenitra-El Jadida, qui représente 60% de la demande globale ».
M. El Madani, a par ailleurs, estimé que le secteur de l’immobilier au Maroc demeure surtaxé, « c’est le seul secteur économique qui se retrouve face à plusieurs taxes, notamment, l’impôt sur les sociétés (IS), l’impôt sur le revenu (IR), les droits d’enregistrement, le droit de la conservation foncière, a-t-il relevé, notant que ces deux derniers font plus du double de l’IS, ce qui se répercute au final sur le consommateur marocain et élargit davantage l’écart entre son pouvoir d’achat et les prix de vente.
Interrogé sur sa vision quant à un nouveau concept de logement social, en phase avec l’environnement actuel du Maroc, M. El Madani, n’a pas manqué de mettre en exergue la nécessité pour l’Etat d’ »asseoir plus de souplesse, d’efficience et de réactivité, par rapport aux diverses solutions architecturales et urbanistiques innovantes, proposées par les différentes partie prenantes de cet écosystème ».
Et de renchérir: « Il ne faut pas rester figé sur des modèles urbanistiques vieux et dessués, mais plutôt réfléchir à lancer de nouveaux schémas de développement et d’aménagement urbain (SDAU) qui puissent satisfaire la demande, relancer le secteur et par conséquent l’activité économique. »
Pour sa part, Mohammed Douira, Architecte-Urbaniste à Kenitra, a relevé que le logement, besoin primaire de tout être humain, constitue une composante essentielle à l’épanouissement économique d’un pays, notant qu’il est pas concevable d’imaginer un Maroc, d’aujourd’hui ou de demain, fort et prospère sans une solution permanente au problème de la décence du logement pour l’ensemble des citoyens.
« Le problème n’est pas une question de concept mais de volonté, a-t-il fait savoir, soulignant qu’il est désormais primordial d’aller vers une refonte de la réglementation, basée sur une concertation profonde et transparente avec tous les intervenants de l’acte de bâtir.
M. Douira a, à cet effet précisé, qu’il ne peut pas y avoir de développement du concept de logement social sans un montage économique viable, faisant le compte du consommateur mais aussi du producteur, le bénéfice, étant la raison première qui pousse le promoteur immobilier à investir.
Il a, en outre, expliqué, que la crise du Covid-19, a exacerbé la nécessité d’une révision du mode de conception. Les minimas réglementaires et les densités qu’ils accueillent ne sont plus conformes à un mode de vie qui se transforme, désormais beaucoup plus sédentaire qu’il ne l’était avant la pandémie.
« Les espaces et leur interaction avec l’extérieur, la vision et le paysage urbain, l’utilisation de matériaux de finition à aspect noble mais à petit prix, toutes sont des pistes à explorer par les concepteurs, afin d’atteindre un standard pérenne et décent aux yeux du consommateur avide de changement et de dignité », a-t-il poursuivi.
Parallèlement, M. Douira a souligné que l’aspect recherche est non négligeable et l’investissement dans la formation est de plus en plus nécessaire. Il se doit donc d’être suffisamment encadré et orienté, doté de moyens suffisants pour permettre l’expérimentation et inculquer l’audace de se confronter à un terrain architectural, criblé de problématiques qui ne demandent qu’à être pensées.
Force est de constater que l’immobilier social a connu plusieurs changements depuis son lancement, dans le but de relancer le marché et instaurer de nouveau un climat de confiance entre les acquéreurs et les professionnels. Néanmoins, la réussite du paradigme de ce type de logement au Maroc est tributaire de sa capacité d’anticipation des changements de besoins futurs, afférents aux logements en relation avec les mutations sociales, économiques mais surtout fiscales.